Déclaration du prisonnier d'opinion Gael Roblin avant son passage le 22 août 2002 devant la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Paris


 

Je tiens d’abord à rappeler ce qui est systématiquement occulté depuis 28 mois : j’ai été inculpé d’un attentat que j’ai qualifié " d’injustifiable " publiquement et d’un autre que j’ai estimé " illisible ". J’affirme d’ailleurs n’avoir jamais été interrogé sur la base d’éléments m’impliquant dans la commission d’attentats. Et dans le rappel des faits qui vient d’avoir lieu il n’a pas plus été question d’éléments m’impliquant dans la commission de ces actes. J’ai été maintenu en détention pendant 28 mois en raison de la gravité de faits avec lesquels le parquet antiterroriste estime que je n’ai aucun lien. C’est d’ailleurs ce qui amène fort logiquement ce même parquet antiterroriste peu suspect de laxisme à annoncer depuis avril 2002 qu’il entend demander un certain nombre de non-lieux et abandonner à mon endroit les charges criminelles.

On s’est donc moqué de mes droits les plus élémentaires lorsque l’on affirmait péremptoirement qu’il " existait malgré mes dénégations des indices graves et concordants laissant présumer que j’avais participé à l’ensemble des faits ", en prenant bien soin de ne pas énumérer ces indices qui n’existent pas, ni pour moi et mes conseils, ni pour l’accusation en charge du dossier.

On continue à se moquer de moi lorsque l’on affirme que je vais être jugé rapidement.

On se moque de moi lorsqu’une fois le dossier d’instruction clos on prétend me priver de liberté en raison des nécessités de l’instruction, et alors qu’un mandat de dépôt correctionnel ne peut excéder 24 mois et qu’au bout de 28 mois l’accusation précise qu’il est peu probable qu’elle retienne des charges criminelles dans son réquisitoire définitif.

On se moque de mes droits lorsque l’on m’explique que la justice de la quatrième puissance mondiale n’a pas de photocopieuse pour que mes avocats aient libre accès au dossier.

On se moque de moi encore plus ouvertement lorsque l’on laisse les magistrats instructeurs prêter à un co-inculpé des propos qu’il n’a jamais tenus.

On se moque de moi surtout lorsque l’on prétend que ma remise en liberté est problématique en raison de risque de trouble à l’ordre public. Car s’il est exact que, comme je l’ai expliqué avec constance, j’ai tapé un texte frappé du sigle de l’ARB, il n’en est pas moins indiscutable que 8 co-inculpés sont libres (et ce contre l’avis du parquet antiterroriste) et placés sous contrôle judiciaire en Bretagne alors que deux d’entre eux ont reconnu leur participation directe à 3 actions de l’ARB et ont été remis en liberté au bout de 6 mois !

Ces contradictions effarantes cachent mal les vrais motifs de mon maintien en prison. Les magistrats instructeurs ont eux le mérite d’une certaine franchise puisqu’ils estiment officiellement dans leurs réquisitions que je dois rester en prison en raison de mon " influence considérable sur le mouvement indépendantiste ", mon " attitude " et ma " personnalité " Il est donc parfaitement clair que je suis maintenu à la Santé pour mes opinions, pour ce que je pense et représente aujourd’hui et pas pour ce que j’ai fait hier. Je pensais un peu naïvement que ce genre de réquisitions était réservé à la Syrie, la Turquie ou la Tunisie. Je pense que tout maintien en détention sur la base de ces réquisitions aura un arrière-goût d’eau de Vichy.

Je remarque que personne n’ose contester sérieusement mes garanties de représentation.

Je me contenterais pour finir de rappeler qu’à l’époque du débat sur la loi sur la présomption d’innocence (présomption dont je n’ai jamais bénéficié y compris depuis que l’accusation vient s’associer à mes avocats pour demander un placement sous contrôle judiciaire à Nantes), la Garde des Sceaux n’a pas hésité à comparer la détention provisoire à une forme de torture. En plus de cette torture, certains n’ont pas hésité à suggérer une mesure de mise sous contrôle judiciaire hors de Bretagne, démontrant par là même que le problème n’était pas le contenu du dossier mais ma personne, agitant ainsi une petite carotte chimérique, rajoutant à des accusations infâmes que rien n’est venu corroborer une touche de cruauté afin de me léser humainement et politiquement.

Je vous invite donc à me remettre en liberté sous contrôle judiciaire, chez moi, en Bretagne, pour mettre fin à ce traitement discriminatoire basé sur mes opinions qui n’a au final aucune justification juridique.