WE XIPANTU Pour beaucoup de peuples originaires dAmériques, le Nouvel An qui se célèbre la nuit du 31 décembre na pas de signification si ce nest celle apportée et imposée par les chrétiens depuis plus de 500 ans. Bien avant " la découverte du Nouveau Monde ", les populations originelles ont développé une grande connaissance du cycle de la vie - intégrant astronomie, écologie, biologie, climatologie... - en harmonie avec leur propre cosmovision. Les calendriers résultant de ces observations de la nature, établissent souvent le concept de nouveau cycle de la vie apparenté aujourdhui à lidée occidentale du Nouvel An mais qui na pas la même signification, ni la même date. Pour illustrer cette conception différente du calendrier solaire, on cite souvent les cérémonies pratiquées par les " grandes civilisations " Maya, Aztèque, Inca car elles restent dans beaucoup desprits associées à des scènes démesurées de sacrifices humains auxquelles participaient des milliers dofficiants au pied de colossaux monuments de pierre édifiés pour loccasion. Cette facilité dutiliser des références qui paraissent plus proche de notre culture chrétienne - la religiosité de lacte, lidée de monothéisme, labnégation de soi pour un Dieu... - nous fait oublier que des cultures célèbrent encore aujourdhui larrivée du nouveau cycle de la vie et de façon moins tapageuse. Il en est ainsi au Sud du Chili, où, dans les communautés Mapuche, on continu à célébrer le We Xipantv ("Nouvelle sortie du soleil" - WE = Nouvelle; XIPA = sortie; ANTV = soleil), le Nouvel An Mapuche, chaque 24 Juin. S'il est vrai, comme lexplique le Ngenpiñ Armando Marileo de lorganisation Xeg-Xeg, que pour leur ancêtre le moment précis du We Xipantv était déterminé selon la position de la lune et séchelonnait dans le calendrier occidental entre le 21 et 24 Juin; aujourdhui sous linfluence Winka (non-Mapuche) il a été fixé au 24 Juin. Moment important, par sa signification, dans la vie religieuse et collective, le We Xipantv a subi linfluence du christianisme, dont les conséquences les plus visibles sont labandon de sa célébration, ou souvent sa confusion avec celle de la San Juan (Saint Jean). Cela explique peut-être la rareté des travaux ethnographiques et ethnologiques écrits sur le thème; F.J. de Augusta, M. Titiev et R. Foerster étant les seules références trouvées. Aussi pour beaucoup, le fait de continuer à célébrer le We Xipantv ne revêt pas seulement une importance religieuse mais, dans le contexte actuel, également politique. On remarque ainsi depuis quelques années la reprise en force de sa célébration en tant que telle dans les communautés, mais aussi en ville. Ce phénomène de récupération de la célébration du We Xipantu témoigne dune tentative de décolonisation idéologique, thème récurant des organisations Mapuche. Les pluies incessantes qui caractérisent les jours précédents le Wexipantv sont considérées comme fondamentales pour purifier la Mapu Ñuke (la Terre mère) et permettre la renaissance de la vitalité de la nature et du monde Mapuche. Cette entrée dans un nouveau cycle du Pukem (" temps de pluie ") se caractérise par un renouveau de la nature mais également des relations sociales au sein de la société Mapuche. Espérant
que ce We Xipantv contribue à renforcer l'unité du peuple
Mapuche. MARI CI WEU ! Petite Bibliographie : - Augusta (F. J.) de, Diccionario Araucano- Español, Santiago, Imprenta Universitaria, 1910. - Foerster (R.), Introducción a la religiosidad Mapuche, Santiago, Ed Universitaria, 1991. - Métraux (Alfred), " Le chamanisme araucan ", in Religions et magies indiennes dAmérique du Sud, Paris, Gallimard, 1967, pp.179-235. - Titiev (M.), Araucanian culture in transition, Michigan, The Museum of the University of Michigan, 1951. |