Ximena Gautier Greve.

Poétesse franco-chilienne d'origine indienne (mapuche) et française. A publié à Santiago deux libres, le premier en 1958 "Poemas de Ruta", préfacé par le poète chilien JUVENCIO VALLE et le deuxième en 1962, "Dagaug, exaltation d'une adolescente" préfacé par le critique littéraire JUAN DE LUIGI et en prolégomènes un article du poète ARMANDO SALAS GAMARRA ( "El Sol", Cuzco, Pérou), un commentaire de HOMERO BASCUÑAN (Revue "Atenea" de l'Université du Chili, Santiago). et un exorde du poète argentin ALFONSO SOLA GONZALEZ. Plusieurs livres inédits de poésies dont "Duerme Pablo" (1964) préfacé par JUANA DE IBARBURU, poétesse uruguayenne. A offert plusieurs récitals de poésies à Santiago, à Buenos Aires et à Mendoza. 

A participé aux "Foires d'Art Populaire" de Santiago, au Parc "Forestal" devant les bords du fleuve Mapocho,  avec MANUEL ROJAS, PABLO NERUDA, MARIO FERRERO, NICANOR PARRA, JOSE MIGUEL VICUÑA, RAUL MELLADO, VICTOR MANUEL REINOSO et beaucoup d'autres écrivains encore. 

En 1973, fuyant la persécution et la barbarie déchaînée au Chili par Pinochet, je prends le refuge politique en France et je m'établis à Paris. Ma poésie, auparavant intimiste, exprime alors la souffrance de l'exil. Le poète RAUL MELLADO, ancien secrétaire poétique de PABLO NERUDA, publie quelques poésies à moi dans "LA HOJA VERDE", pamphlet poétique de résistance qui survit pendant la Dictature et après la mort du tyran. Dans l'actualité, je continue mon travail poétique parallèlement à mon activité professionnelle

LE MAPOUDOUNGOUN : LANGAGE DE LA TERRE (71)

       

Par Ximena GAUTIER GREVE

 

Lorsque l’esprit habitait dans chaque pierre,

les ondes et la boue se racontaient

des histoires auprès des rivages.

Sur précipices et prairies s’élançait la vie

et naissait une mousse

molle de terre obscure,

molle comme une miette de pan

aux pieds des arbres philosophes.

 

En ce temps-là les constellations disaient

des propos astrales et énigmatiques

aux espaces vides et infinis.

 

Un jour la Terre solitaire ouvra sa gorge:

sa voix aux échos multiples

parla dans la sonorité d'un chœur

instrumentale jamais entendu,

mais les étoiles étaient si loin

qu’aucune d’elles ne répondit.

Seulement le silence.

 

C’est pourquoi elle créa les hommes :

pour causer avec eux…

Ils furent frères des arbres et du ciel

des animaux et du sol.

Elle les balança dans ses bras des herbes

qu'ils partageaient

avec toutes les choses qui existent

et les berça avec sa voix singulière

et complexe, cette expansion de sons multiples

que toutes les espèces comprenaient.

 

Dans ce monde ils étaient tous frères

humains animaux arbres fleuves

sols nuages fruits cieux...

Et lorsqu'elle parlait, ils répondaient tous:

chacun avec sa corde à lui,

ils parlaient avec leur mère et entre eux

et ce chant était la richesse de tous.

 

C’est pourquoi les hommes de la terre (72)

n’acceptent ni maîtres ni patronat,

ni l’exploitation de la vie des sols

qui sont la peau de la planète,

ni celle du bois des arbres: la chair

végétale des massifs vivants,

ni celle des eaux des lacs, rivières ou mers,

et encore moins celle d'autres hommes.

 

Tu sais que j’aime les différences

des peuples originaires:

idiomes chants légendes astres dieux.

L’amour aimant aux seins archaïques.

 

Mais le Chili ne les reconnaît pas.

Leurs territoires ancestraux sont cédés.

De l’Araucanie et Patagonie

le Chili organise le pillage en imposant

un profit dont le prix est la mort.

 

J’aime les lois qui incitent à la concorde

et au respect. La liberté avance

sur les rêves ailés des peuples

qui ouvrent ses chemins infinis.

 

Ecoute Chili!

Ecoute ta terre, celle qui parle

avec le battement du cœur de la montagne

dans le tonnerre vivant de la mer,

au-délà des cascades et colihues... (73)

 

J'aimerais arriver à l'aéroport de Santiago

et y lire sur une importante dalle en granit:

 

« Le Chili, pays métis,

reconnait et protège dans sa Constitution

les territoires indigènes et la nation mapuche,

ses modes de vie, sa civilisation, son histoire.

Et leur langue, la langue de la terre (74)

est promue langue nationale comme l'espagnol

et apprise dans toutes les écoles du pays

à tous les enfants chiliens. »

 

Que nous puissions la voir bientôt.

 

     (XIMENA GAUTIER GREVE).

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GLOSSAIRE:

(71) "Mapoudoungoun", le mot des mapuche pour désigner leur langage, signifie " le langage de la terre" ce qui me fait penser qu'un jour la Terre leur parla...

(72) le mot mapuche veut dire "les gens de la terre", de mapu, terre et ché, gente.

(73) COLIHUES (pl.) Le colihue (chusquea culeu) est un genre de bambou de grande taille toujours vert. Partage le sous-bois avec l'aristotelia chilensis et l'aristotelia maqui.

Habite tout le Cone Sud. Peut former des massifs nommés "carrizales" où vivent des papillons, scarabées, oiseaux et rongeurs. Plante de grande importance pour les mapuche qui l'utilisent pour construire leurs chaumières, confectionner des paniers et trutrukas et aussi dans leurs cérémonies rituelles. A cause de sa solidité et vivacité, la plante symbolise l'immortalité des mapuche revendiquée dans le conflit actuel avec le cri:

                 "Tant qu'il y aura des colihues, des colihues naîtront.

                  Si l'un d'eux meurt, dix se lèveront".

(74) le mapoudoungoun.

 

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