60. Le Rapporteur Spécial suggère au Gouvernement qu’il prenne
en considération les propositions contenues dans le Rapport de
la Commission de la Vérité Historique et du Nouveau Traitement
sur les transformations juridiques, économiques et culturelles
nécessaires.
61. Le projet de statut d’autonomie de l’Ile de Pâques (Rapa
Nui) devra comporter des garanties de protection des droits du
peuple originaire Rapa Nui sur ses terres, ses ressources et le
respect de son organisation sociale et de sa vie culturelle.
En matière de pauvreté
62. Le Rapporteur Spécial recommande au Gouvernement qu’après
consultation des communautés indigènes et avec l’assistance technique
nécessaire des Nations Unies, soit établi un programme qui réduise
la pauvreté des communautés indigènes du pays en conformité avec
l’objectif de développement du nouveau millénaire et intègre des
mesures spécifiques à l’égard des femmes et des enfants indigènes.
63. En prenant en considération les recommandations du Rapport
sur le Développement humain en Araucanie élaboré par le PNUD,
le Ministère de la Planification et l’Université de La Frontera,
le Rapporteur recommande au Gouvernement qu’il poursuive ses efforts
pour rassembler les données disséminées sur la population indigène
et non indigène et que, dans les planifications des politiques
publiques, une attention spéciale soit portée sur les zones rurales
et sur la pauvreté urbaine et que soient créés les outils nécessaires
pour lutter contre l’inégalité. Le Rapporteur recommande que ces
initiatives s’étendent à toutes les autres communautés indigènes.
En matière de terres
64. Le Fonds de Terres que gère la CONADI pour l’acquisition
de terres pour les indigènes devra s’étendre, accélérer ses actions
et disposer d’une augmentation substantielle de ressources pour
pouvoir répondre aux nécessités des familles et communautés indigènes.
Particulièrement dans les zones mapuches, elle devra intensifier
un programme de récupération des terres indigènes. Dans ce contexte,
le Rapporteur Spécial appelle à renforcer les programmes consacrés
aux femmes indigènes du secteur rural et il recommande de réaliser
une étude statistique qui permette d’évaluer les progrès obtenus
pour l’amélioration des conditions de vie des femmes indigènes
vivant en secteur rural et particulièrement en ce qui concerne
leurs conditions de santé et d’éducation.
65. En plus de l’attribution de parcelles privées, les territoires
communaux traditionnels indigènes devront être restitués et reconstitués
avec leurs ressources pour un usage communal.
66. Tant du point de vue législatif qu’en pratique, les communautés
indigènes devront, avant les intérêts commerciaux et économiques
privés, avoir un accès privilégié aux ressources aquatiques et
maritimes dont elles nécessitent traditionnellement pour leur
propre subsistance.
En matière de développement durable
67. Dans tout projet de développement prévu dans leurs régions
et territoires, les indigènes devront être préalablement consultés,
tel que l’exige l’Accord 169 de l’OIT, et leurs opinions et le
respect de leurs droits humains devront être pris en considération
à toutes les étapes desdits projets par les autorités et les entreprises
chargées de les exécuter.
68. Dans les zones indigènes et particulièrement dans la région
mapuche (Araucanie), des communautés indigènes devront se
constituer pour assurer la pleine participation de leur prise
de décisions et l’autogestion de leurs affaires.
En matière d’administration de justice
69. En aucune circonstance les légitimes activités de protestation
ou de revendication sociale des organisations et communautés indigènes
ne pourront être criminalisées ou pénalisées.
70. Il ne pourra être appliqué d’accusations de délits tels que
« menace terroriste », « association délictueuse »
à des faits relatifs à la lutte sociale pour la terre et aux légitimes
revendications indigènes.
71. Le Rapporteur Spécial recommande que soit révisé le cas des
lonkos condamnés, Pascual Pichun de Temulemu et Aniceto Norin
de Didaico (IXe Région de l’Araucanie), en respectant strictement
les garanties d’un procès équitable établies selon les normes
internationales des droits de l’homme.
72. La mise en pratique de la réforme de la procédure pénale
devra prendre en compte les normes internationales en matière
de protection des droits de l’homme, incluant le procès équitable
de tous les indigènes en cours de procès pour motif d’activité
de défense ou de protestation sociale (spécialement en référence
à l’utilisation de témoins masqués et la détention préventive
des inculpés).
73. Dans tout procès judiciaire ou administratif mettant en cause
des personnes indigènes, ces derniers devront disposer de l’assistance
de traducteurs bilingues qualifiés et, en cas de nécessité, d’avocats
d’office compétents et ayant la connaissance des cultures indigènes.
74. Dans tout procès judiciaire ou administratif mettant en cause
des personnes indigènes, leurs coutumes juridiques indigènes devront
être respectées.
75. Le Rapporteur Spécial recommande que le Gouvernement
chilien considère la possibilité de déclarer une amnistie générale
pour les défenseurs indigènes des droits de l’homme en cours de
procès afin qu’ils réalisent des activités sociales et/ou politiques
dans le cadre de la défense des terres indigènes.
En matière de politique éducative et social
76. Le programme d’éducation bilingue interculturel du gouvernement
requiert des budgets adaptés pour sa réalisation rapide et efficace
dans toutes les régions indigènes. De plus le Rapporteur Spécial
recommande que des mesures spécifiques soient prises pour améliorer
l’assistance en matière d’hébergement des jeunes étudiants indigènes
dans les cycles secondaire et universitaire, en particulier dans
la zone sud du pays.
77. Le Rapporteur Spécial prend note aussi des efforts du Gouvernement
pour continuer d’améliorer le système d’assistance sociale aux
familles, en particulier dans le soutien aux parents en matière
d’éducation de leurs enfants dans le respect de leur identité
culturelle. Dans ce contexte, il encourage le Gouvernement à augmenter
ses efforts dans les activités de coordination qui permettent
de réduire le nombre des enfants indigènes nécessitant de soins
institutionnels et soutiennent leur développement au sein du foyer
familial.
78. Les services de santé consacrés aux communautés indigènes
devront être étendus avec des ressources suffisantes pour répondre
aux besoins de toute la population indigène et devront, dans la
mesure du possible, respecter et promouvoir l’utilisation de la
médecine traditionnelle indigène.
En matière de publicité des affaires indigènes
79. Sur la base des conclusions de la Commission de la Vérité
Historique et du Nouveau Traitement qui révèlent les réalités qu’ont
dû affronter les peuples indigènes tout au long de l’histoire du
Chili, le Rapporteur Spécial recommande au Gouvernement qu’il développe
une campagne publique, au niveau national et régional, consacrée
à la lutte contre la discrimination, la reconnaissance de la diversité
culturelle et la récupération des cultures indigènes comme faisant
partie intégrante de la grande richesse culturelle du pays.
En matière de promotion et de protection des droits
de l’homme
80. Le Rapporteur Spécial appuie les organismes internationaux
de droits de l’homme tel que le Comité des droits de l’enfant,
qui recommande que soient prises les mesures nécessaires qui permettent
l’établissement dans le pays d’une institution nationale de défense
et de protection des droits humains ou « ombudsman ».
Dans ce contexte, le Rapporteur Spécial encourage le Gouvernement
à envisager sérieusement cette proposition en planifiant un agenda
concret pour sa réalisation. Une institution de ce caractère dotée
d’un large mandat, adapté aux Principes de Paris, serait un instrument
d’une valeur incalculable pour la défense et la protection des
droits des peuples indigènes ainsi qu’une preuve claire des bonnes
intentions de l’Etat à l’égard de ses peuples originaires.
Recommandations à la Communauté Internationale
82. Le Rapporteur
Spécial recommande au Bureau du Haut Commissariat aux Droits de
l’Homme, en accord avec son Conseiller/Représentant pour l’Amérique
Latine et les Caraïbes, d’organiser, en coopération avec le Gouvernement,
les peuples indigènes du pays et d’autres secteurs intéressés, une
réunion de recherche consacrée à l’identification des méthodes permettant
à l’Organisation des Nations Unies d’assister les autorités de l’Etat
dans l‘application des recommandations figurant dans le présent
rapport.
Recommandations à la Société Civile
83. Pour surmonter la discrimination et la négation historique
dont ont souffert les peuples indigènes, la société chilienne
a, dans son ensemble, un rôle important à jouer. C’est pourquoi
le Rapporteur Spécial recommande la réalisation permanente de
campagnes d’information publique visant à combattre les préjudices,
le racisme, l’intolérance et la stigmatisation de la problématique
indigène dans l’opinion publique.
84. Dans ce contexte, il recommande aux partis et organisations
politiques de prendre en compte dans leurs agendas respectifs
le thème des droits de l’homme et de focaliser leur attention
non seulement sur les séquelles du passé immédiat mais aussi sur
la promotion des droits individuels et collectifs des peuples
indigènes du pays.
Recommandations aux médias
85. Les communautés et peuples indigènes doivent disposer des
facilités et de soutien pour accéder pleinement à l’utilisation
des moyens de communication de masse (presse, radio, télévision,
internet). En conséquence, il est recommandé à tous les principaux
moyens de communication du pays d’organiser, de façon collective,
dans les universités intéressées, la promotion de cours et séminaires
pour la recherche de nouvelles voies d’accès aux médias pour les
communautés indigènes.
86. Il recommande aussi aux moyens de communication existants
de redoubler les efforts pour offrir une couverture plus large
et équilibrée d’informations sur les besoins et la situation des
peuples indigènes ainsi que sur les situations de conflit social
dans les régions indigènes.
Recommandations à la communauté universitaire
87. Le Rapporteur Spécial prend note des études réalisées dans
certaines universités du pays sur la thématique indigène et recommande
que ces efforts soient étendus à d’autres centres universitaires
pour approfondir la thématique des droits de l’homme des peuples
indigènes dans leur ensemble.