Lettre de José Naín Curamil* - Depuis la prison de Angol - Juin 2004

Dans cette lettre, j'envoie des salutations cordiales à toutes les personnes, organisations et groupes de soutien de la cause de notre peuple Mapuche, dont les droits ont été niés de multiples façons à travers l'histoire

Je dois être très honnête, avec ma sincère et ma propre douleur que je ressens en ce moment, je voudrais également dire que je suis un mapuche qui lutte, ressent et pleure. Etant ici, j'ai beaucoup ressenti la solitude, l'incertitude et la douleur, dans ce pays de mensonge et imaginaire qui prédique la démocratie, parle d'Etat de Droit, tout en niant et effaçant une partie de sa propre histoire.


J'ai découvert dans ma vie le mensonge d'abord en moi-même, et cela me fait penser que les Mapuche ont été alimentés de beaucoup de mensonges assistentialiste. J'espère, mes frères et sœurs, que vous me comprenez, et que vous me soutenez dans mes lamentations, ne serait-ce que par votre présence. Bien souvent ce n'est pas facile de savoir que mon épouse et mes deux filles me nécessitent.


Cependant je suis ici, me donnant vif en sacrifice avec mes frères qui ressentent également la douleur que signifie la lutte pour nos terres, la justice, la culture et la liberté. Je ne veux pas penser que je vais passer 5 ans de ma jeunesse comme un criminel, ne l'étant pas, alors que beaucoup de véritables criminels au Chili bénéficient de privilèges.


J'aimerai que ce que j'écris ici passe nos frontières et que le monde sache, que malgré tout ce que l'on a fait croire sur la supposée démocratie au Chili, on ne peut toujours pas tout dire sans risquer la persécution, les procès viciés et les condamnations sous pressions politiques et économiques.


Je vis dans un pays où on peut seulement parler de ce qui convient aux politiques et au pouvoir économique. Le Chili utilise les indigènes comme des étiquettes, comme un sceau de monnaie, cependant je veux que vous, mapuches et non-mapuches, sachiez que pour un prisonnier mapuche cela n'a aucune considération si ce n'est une utilisation. Je veux que l'on sache qu'il n'a pas été facile pour moi d'être dans ces lieux :


1.- Car je suis l'unique mapuche condamné dans cette unité pénale.
2.- J'ai eu des problèmes avec les internes car ils ne comprennent pas mon problème.
3.- Car personne ne peut comprendre que lutter pour ce qui nous a été volé est en plus condamné.


Je remercie tous ceux qui d'une façon ou d'une autre essaient de faire des choses en ma faveur. Mais j'aimerais que votre solidarité, aujourd'hui, fonctionne plus que jamais, j'ai foi en ngünechen (Ndt. sorte de dieu des mapuches); malheureusement la foi et l'œuvre ensemble sont ce qui fait grandir nos défis. Car mon épouse pour voyager doit payer le transport et ce que la foi ne peut pas faire. Personne n'achète un kilo de pain avec la foi, il faut avoir de l'argent.


Frères et sœurs, deux de mes filles souffrent. Aucune organisation nous soutient. Où sont les grands discours ? Où se cachent ceux qui ont parlé de lutte ?


Frère, si tu lis cette missive, n'oublies pas que je t'écris avec beaucoup de douleur. Mon futur est incertain et la distance qui existe jusqu'à ma résidence est grande. Les organisations doivent savoir que nous, dans la prison, et nos familles en dehors, nous nécessitons le soutien et la solidarité de tous. Notre lutte ne peut pas rester sous silence.


*José Naín Curamil a été condamné, avec Marcelo Catrillanca, à 5 ans et un jour de prison pour le délit d'incendie d'une propriété forestière qui a eu lieu en décembre 1999, dans la commune de Ercilla. José a été arrêté dans sa communauté. Marcelo Catrillanca a décidé de ne pas se présenter pour accomplir sa peine.