Le procès Poluco Pidenco - Angol - Neuvième région du Chili

Chronique d'un simulacre de procès

Introduction
Le procès
La sentence
Epilogue

Le procès Poluco Pidenco qui a commencé jeudi dernier au tribunal pénal oral de Angol (IX° région du Chili) porte les noms de deux propriétés forestières (commune de Ercilla -  IX° région) appartenant à l'entreprise Forestal Mininco et où s'est déclaré un incendie volontaire le 19 décembre 2001, résultant selon l'accusation 100 hectares d'eucalyptus et de pins détruits. Durant les mois suivants,  plusieurs procédures judiciaires ont été lancées pour "incendie à caractère terroriste" suite aux plaintes déposées par la sous-préfecture de Malleco et l'entreprise Forestal Mininco.  

Très rapidement, ce sont les dirigeants et membres des communautés voisines (San Ramon, Tricauko et Chequenko) et de l'organisation mapuche Coordinadora de las Comunidades en conflictos Arauko-Malleko (CAM) qui ont été suspectés d'en être les auteurs. Ceux-ci avaient à plusieurs reprises revendiqué les terres occupées par l'exploitation forestière. Il faut en effet savoir qu'il existe un conflit historique sur différentes propriétés de cette zone, et dans le cas de Poluco et Pidenco, on retrouve des demandes formulées par les communautés voisines  réclamant la restitution des terres dès la première décennie du XX° siècle.

Durant les mois de décembre 2002 et janvier 2003, 11 dirigeants et membres de ces communautés et de l'organisation CAM ont été arrêtés lors de spectaculaires et violents déploiements policiers au sein des communautés de la zone de Malleco. 10 d'entre eux ont perduré emprisonnés plus d'une année, avant d'être mis en liberté surveillée durant le mois de février 2004.  Tous sont aujourd'hui accusés "d'incendie à caractère terroriste" en application de la loi anti-terroriste N° 18.314 (article 2), et ils sont passibles de peines allant de 3 ans à 15 ans de prison ferme.

Lors des audiences de préparation du procès qui a été interrompue à treize reprises, du fait du grand nombre de vices de formes, on a déjà pu constater la teneur des accusations et arguments qui seront affirmés lors du procès actuel. Outre l'utilisation d'une loi antidémocratique et arbitraire (la loi antiterroriste 18.314 créée et imposée durant la dictature), qui plus est appliquée de façon discriminatoire, on peut constater divers éléments préoccupants laissant entrevoir le simulacre d'un procès équitable. 

Parmi les preuves, l'accusation dispose de 69 témoins dont plusieurs sont "protégés". En effet, ces derniers sont la pièce centrale de l'accusation puisqu'il s'agit de personnes Mapuche vivant au sein des communautés dont sont originaires les accusés.  Lors de l'audience de demande de liberté conditionnelle de Mireya Figueroa le 19 juin 2003, son avocat Jaime Madariaga a notement prouvé les faux témoignages commis par 4 de ces témoins qui prétendaient avoir vu le fils de Mireya Figueroa sur les lieux du délit alors qu'il s'est avéré que celui-ci était en train de passer son BEPC à plus de 200 kilomètres du lieu de l'incendie le même jour, à la même heure.      

Ces témoins sont non seulement protégés (ronde policière autour de leur habitation, barbelés, alarmes de sécurités…) mais également payés par le Ministère Publique grâce à un fond de "frais réservés". Leur témoignage est d'autant plus fondamental pour l'accusation qu'il ne semble pas existé d'autres preuves consistantes établissant la participation des accusés à l'incendie.

Les juges d'instructions du Ministère Publique ont mené une persécution judiciaire, emprisonnant durant plus d'un an 10 personnes d'origines Mapuche, sur la seule base de supposés qui se sont avérés erronés lors de l'instruction. Parmi les personnes mises en examen, on trouve plusieurs portes paroles et autorités traditionnelles qui sont inculpées pour avoir manifester publiquement leur demande territoriale concernant les propriétés affectées par les incendies.  Les juges d'instructions ainsi que la presse régionale et nationale, n'ont pas hésité à les qualifier de "terroristes ruraux", montrant l'absence de partialité, engendrant un climat de tension dans la région. N'oublions pas que lors des différents procès antiterroristes qui se déroulent aujourd'hui au Chili contre des Mapuche, on ne trouve aucune arme si ce n'est des frondes, lances pierres, et dans un cas un fusil fabriqué artisanalement.  Malgré cela, les communautés sont constamment montrées du doigt comme celles qui provoquent la violence  dans le sud du Chili.  Dans leur cas, le principe de  présomption d'innocence a  souvent été ignoré.

Certains des inculpés et les membres de leurs familles ont ainsi été accusés de divers délits tels que "menaces" et "agressions" envers des témoins protégés ou des membres des forces de l'ordre… Après avoir été traînés dans la boue, les juges d'instructions les emprisonnant comme de dangereux criminels et déclarant à la presse la certitude de leur culpabilité,  aucune des charges n'a été finalement retenue à leur encontre. Ces différentes procédures juridiques n'ont pas été exemptes de violences envers les inculpés et leurs familles.

Pour ne prendre qu'un exemple récent dénoncé par le Programme de Droits Indigènes de l'Université de la Frontera de Temuco, on peut évoquer les arrestations le 7 juillet dernier de Juan Cariqueo,  Patricio Marileo, José Necul et du mineure Jorge Cariqueo de la communauté de San Ramon, accusés d'avoir agressé le juge d'instruction, Félix Inostroza, alors que celui-ci était venu constater des menaces dénoncées par l'un des témoins protégés. Après plusieurs jours de détention et de débat dans la presse sur la nécessité de maintenir l'état de droit au sein des communautés, aucun des faits reprochés n'a été prouvé et la procédure a été déclarée illégale par le tribunal de garantie de Collipulli. L'un des inculpé restera cependant détenu 15 jours accusé d'agression à Carabinier, et donc instruit par un tribunal militaire. Pourtant la version recueillie par la Programme de Droit Indigène auprès d'un témoin, la machi - autorité socioreligieuse de la communauté - Adriana Loncomilla, est fort différente de celle évoquée par la presse ou par les juges d'instructions :

Juan Secundo Cariqueo et Juan Patricio Marileo Saravia, mes beaux-frères ont commencé à travailler vers 8h du matin.  Vers 13h, j'ai vu que les boeufs étaient seuls et immobilisés,  et je me suis préoccupé. Un peu plus haut sur la route  j'ai vu des carabiniers qui marchaient, j'ai pensé qu'ils les avaient peut-être été arrêtés (...). Quand mon fils de 15 ans, Jorge, est arrivé de l'école à 17 heures, je l'ai envoyé  chercher les boeufs qui étaient seuls. Vu que les carabiniers n'étaient pas loin, j'ai dit à mon neveu José Avelino Necul, que nous irions demander aux carabiniers ce qui s'était passé, où était ma famille (...). Nous arrivons aux semailles et nous demandons aux carabiniers qui sont en train d'attendre "vous ne savez pas où sont les jeunes qui étaient en train de semer?  ". Ils ont dit que le juge d'instruction savait.  Nous marchons alors vers la camionnette de ce dernier, nous étions à quelques mètres  quand le juge d'instruction est monté rapidement  dans la camionnette et est parti (…).

 Mon fils qui était pas loin avec les boeufs n'a pas fait attention, il ne pensait pas que la camionnette allait faire un demi-tour court, et il a été touché par celle-ci. C'est là que les carabiniers s'en sont pris à lui en lui donnant des coups et en le repoussant. Ils lui ont dit "garçon reste la", alors Jorge leur disait "pourquoi moi, je n'ai rien fait", et ils continuaient à lui dire "tais toi garçon têtu ou sinon je te tue" et ils continuaient à le frapper en le pointant d'une arme.  Je leur disais qu'ils le laissent tranquille, d'autant plus que le juge d'instruction ne nous avait rien dit.  José Avelino leur a crié "laissez l'enfant, vous ne voyez pas que c'est un enfant" et ils le saisissent aussi et le jettent à terre, en le frappant. Jorge également était piétiné et s'il parlait ils s'en prenaient une. Les carabiniers les menaçaient de les tuer s'ils ne se taisaient pas en pointant leurs armes sur leurs têtes.  Alors j'ai voulu défendre  mon enfant et les carabiniers m'on saisi et repoussé, ils m'on jeté par terre, et ne me laissaient pas me relever.  Deux carabiniers s'en sont ensuite pris à moi. Dans ces conditions je ne voyais plus ce qui se passait, les jeunes étaient par terre, une arme sur leur tête, et ils les frappaient s'ils parlaient. Ils essayaient cependant de dire quelque chose "comment vous pouvez frapper une femme qui plus est machi". Jorge leur disait "je ne veux pas que vous maltraitiez ma maman ", et les carabiniers continuaient à le menacer de le tuer tout en le frappant.  Pendant ce temps ils me frappaient et me disait "ta gueule la chinoise". Je leur ai répondu "non, je ne m'en vais pas, et je ne me tairais pas" car ça donne la rage de voir ce qu'ils font à une personne sur sa propre terre. On a le droit d'être tranquille, et ils arrivent comme une meute de chien sur une personne (…). Le carabinier blessé l'a été en tombant sur moi alors que les jeunes étaient ventre à terre frappés et menacés d'une arme. (…) Vu que je résistais et criais le carabinier qui s'était blessé a tiré deux coups de feu avec son arme juste au dessus de ma tête… (www.derechosindigenas.cl)

Ce cas n'est malheureusement le seul qui a été constaté par des organismes de défense et promotions des droits de l'homme au Chili. Il reflète la forte répression existant dans les communautés Mapuche affectées par le jugement de Poluco Pidenco, et le peu d'objectivité de la presse qui a préféré diffusée la version remise pas le juge d'instruction (qui n'était plus sur les lieux) sans prendre en comptes d'autres points de vue.  

Il existe de fortes pressions de la part des secteurs privés (entreprises forestières) et  de la classe politique conservatrice pour faire un exemple et emprisonner les membres et dirigeants des communautés Mapuche qui revendiquent des terres dans la zone et qui, lassée de promesses non tenues, ont décidé d'abandonner les mécanismes institutionnels limités de restitution de terres.

Aussi, faut-il rappeler que ce procès est le second grand procès anti-terroriste mis en place envers des dirigeants Mapuche. Le premier étant celui qui a aboutis il y a une année à la condamnation à 5 ans de prisons fermes de deux autorités traditionnelles, Aniceto Norin et Pascual Pichun, pour menace d'incendie terroriste  et l'acquittement de Patricia Troncoso. Durant les prochains mois, devra se dérouler un autre grand procès, celui à l'encontre de l'association illicite à caractère terroriste censée être formée par une vingtaine de mapuche dans le sud de Chili. Le fait que plusieurs inculpés dans l'affaire Poluco Pidenco soient également accusés dans cet autre procès remet en cause le principe reconnu internationalement d'impossibilité de juger et condamner plusieurs fois une personne pour un même fait.

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Chronique d'une condamnation annoncée.
Le Procès Poluco Pidenco (suite)

Le procès antiterroriste Poluco Pidenco qui a commencé le 27 juillet et s'est conclu le 21 août dernier a fait l'objet d'un très faible intérêt de la part de la presse et des organisations mapuche et non-mapuche, ce qui nous a compliqué pour réaliser un suivi quotidien tel que nous nous étions donné comme objectif. Par contre, l'annonce publique de la condamnation des 5 inculpés présents à 10 ans et un jour de prison et le paiement d'une indemnisation de 425 millions de pesos (65.000 euros), a provoqué un grand émoi. Les déclarations d'organisations Mapuche (Conseil de Toutes les Terres, Identités Territoriales, Coordinadora Arauko Malleco) et non-mapuche (Programme de Droits Indigènes, Fondation Institut Indigène) ainsi que d'institutions internationales de défense des droits de l'homme (FIDH, OMCT, Human Rights Watch...) ont exprimé leurs inquiétudes et désaccords avec les lourdes condamnations et emprisonnements de personnes considérées comme des défenseurs des droits de l'Homme.

Un peu plus d'une semaine après ce verdict qui a commotionné un grand nombre de personnes mapuche et non mapuche au Chili, nous proposons de faire un retour sur le déroulement du procès, grâce aux rares documentations accessibles pour le moment (sentences et textes du Programme de Droits Indigènes)…

Ci-dessous, nous traduisons la chronique réalisée par Eduardo Mella du Programme de Droits Indigènes sur cette sinistre farce judiciaire :

LE PROCÈS
Le 27 juillet le 2004 à 9:00 heures, a commencé le Jugement Oral pour Incendie terroriste contre 11 mapuche appartenant aux communautés de Tricauco, San Ramón et de Chekenko (commune d'Ercilla). Toutefois, la discussion initiale se centre sur le fait que seuls 5 des 11 inculpés se sont présentés au jugement oral. La séance est alors suspendue jusqu'au 29 juillet, dans l'attente de la détention des 6 inculpés restants. Il convient de signaler que durant ces deux jours de suspension, des perquisitions musclées ont été effectuées par des forces spéciales de carabiniers dans les communautés de Tricauco, San Ramón, Chekenko et de Rukañanko.

Le 29 juillet recommence le jugement oral où se présentent Patricia Troncoso Robles, Juan Ciriaco Millacheo Lican, José Huenchunao Mariñan et les frères José Patricio et Florencio Jaime Marileo Saravia. Quant à Mireya Figueroa Araneda, Juan Antonio Colihuinca Ancaluan, Juan Carlos Huenulao, José Cariqueo Saravia et José Llanquileo Antileo ils sont tous déclarés en fugue.

Les acteurs : À part les accusés qui étaient représentés par Sandra Jelves, Miriam Reyes, Solange Sufán et Verónica Reyes, avocats de la Défense Pénale Publique, étaient présents les Juges Georgina Solis, Valdemar Koch et Luis Sarmiento, et les juges d'instruction du Ministère Public; Sergio Moya Domke, Alberto Chifelle et Cristian Paredes, à qui s'ajoutent les plaignants particuliers, représentants de l'entreprise forestière MININCO S.A; Rolando Franco, Francisco Boero et Miguel Soto, et le représentant du Gouvernement Provincial de Malleco, avocat du Ministère de l'Intérieur, Jorge Fuentealba Lara.

Le premier accident a lieu lorsque le Ministère Public a inclus "une nouvelle preuve", preuve qui n'avait pas été mentionnée lors de l'audition de préparation de jugement oral. Il s'agit de l'ordinateur personnel d'un des accusés.
Jusqu'au mardi 10 août, le Ministère Public va exposer ses preuves accusatoires. Celles-ci se divisaient en trois groupes : les documentaires, dans lesquels on trouve 5 coupures du Journal "La Tercera", 10 coupures du journal "El Mercurio", 2 coupures du Journal "Renacer de Angol", 16 coupures du "Diario Austral" et 10 coupures du journal électronique "El Gong" ; puis les preuves testimoniales où sont présents 1 policier, 2 sous commissaires de la Brigade Criminelle de la Police d’investigation (BRICIM désormais), 1 garde forestier, 5 Inspecteurs de la police d'investigation, 9 brigadiers forestiers, 3 sous-inspecteurs de la police, 1 superviseur de gardes forestier, 2 gardes forestiers, 6 carabiniers de différents grades. En outre, 2 avocats résidants à Temuco ont déclaré, 2 de Santiago et 3 fonctionnaires administratifs de l'entreprise forestière. À ces témoins, s'ajoutent 5 chefs d'entreprise forestières et des agriculteurs. On trouve notamment, Manuel Riesco, président du puissant syndicat d'agriculteurs conservateurs, la SOFO, de Temuco. Enfin, on trouve parmi les témoins, 17 mapuche des communautés où se sont produits les faits, dont 10 bénéficient de mesures de protection de la part de l'Unité de Protection des Victimes et Témoins.

Il convient d'indiquer qu'un des avocats qui a déclaré durant le procès n'était autre que le Chef de cabinet du Sous-secrétaire de l'Intérieur, M. Jorge Vives. C'est cette même personne qui a en outre indiqué sous serment que l'État était partie prenante dans le procès contre le carabinier qui a avoué le meurtre du jeune mapuche Alex Lemun, cause qui se trouve temporairement suspendue en Justice Militaire, et où l'Etat n'a pas pris parti.

Un autre aspect significatif est que les témoins protégés ont présenté diverses contradictions dans leurs déclarations, notamment en ce qui concerne leurs déclarations précédentes devant le ministère public. Ils ont changé les heures des événements, et ont indiqué la participation d'autres accusés dans les faits. Un des témoins du Ministère Public bénéficiant des mesures de protection a déclaré qu'"aucun des accusés présents n’avait effectué l'incendie, s'il en était ainsi, il les reconnaîtrait". Dans plusieurs cas, le témoin a dû lire sa déclaration précédente et décider sur "quelle version il restait".

À partir du mercredi, la défense a présenté ses preuves, constituées de témoins et de rapports d'experts topographiques, forestiers, anthropologiques et sociaux. Une demande du Ministère Public au Tribunal de Garantie a été en outre présentée comme preuve documentaire: celle-ci sollicitait qu'on n'informe pas la défense du casier judiciaire des témoins bénéficiant de mesures de protection. Le document indique en effet tous les abondants antécédents judiciaires et causes en suspens des témoins protégés. Dans ce contexte, on en arrive au 16 août où on effectue les plaidoyers de clôture. Le verdict du tribunal est fixé au 17 à 20:30 heures.

LA SENTENCE

C'est à 20:30 heures que l'on supposait que la sentence contre les accusés qui se sont présentés au jugement se ferait connaître. Toutefois, la non-comparution de deux des accusés, Juan Millacheo et José Huenchunao, a retardé la lecture de la sentence jusqu'à 21 heures. La sentence, à la lumière des antécédents présentés, selon les juges, a consisté à déclarer coupables - à la surprise de la défense - les 5 accusés en tant qu'auteurs d'incendie terroriste, et donc ils devront accomplir une peine minimale de 10 années. La prison immédiate est décrétée pour Patricia Troncoso, Juan Patricio Marileo et Florencio Jaime Marileo (les seuls inculpés-condamnés qui se sont présentés à la lecture du verdict), ils sont transférés jusqu'à la prison d'Angol. La lecture du jugement condamnatoire est fixée au samedi 21 août, date à laquelle sera sollicitée des ordres de détention contre Juan Cariaco Millacheo Lican et José Huenchunao Mariñan.

Les réactions ne se sont pas faites attendre. Pour la défense et les accusés, c'est la surprise générale, puisqu'ils estimaient qu'avec les preuves présentées par le Ministère Public on démontrait seulement l'innocence des accusés.

Patricia Troncoso, tombant en larmes, manifeste son désaccord avec le jugement, en alléguant son innocence et en dénonçant l'injustice qui a été commise. Les frères Marileo Saravia manifestent la même consternation, tout en sollicitant qu'ils soient transférés à un module spécial pour les mapuche dans la prison, ne se considérant pas comme des délinquants, mais des prisonniers politiques, puisqu'ils viennent d'être condamnés non pas pour des faits, mais pour avoir réclamé leurs droits comme Peuple.

De l'autre coté, les juges d'instructions du Ministère Public Alberto Chiffele, Cristián Paredes et Sergio Moya, le plaignant, l'avocat Miguel Soto et le représentant du Gouvernement Provincial de Malleco, Jorge Fuentealba, se félicitaient et ne dissimulaient pas leur joie, s'exprimant par des rires et des commentaires acides envers les accusés et la défense.

L'antichambre au jugement pour association illicite terroriste contre 18 mapuche appartenant à la Coordination Arauko Malleko venait de conclure.

EPILOGUE

L'équipe qui a couvert le déroulement de cette sentence a entrepris le retour à Temuco environ à minuit. Nous étions accompagnés par l'un des parents des, maintenant, condamnés que nous avons raccompagnés à la communauté de San Ramón. Quelques minutes après avoir quitté leur domicile, nous sommes arrêtés sur un chemin rural par deux camionnettes civiles qui nous coupent la route. De l'une d'elle sort 10 carabiniers des forces spéciales de Temuco, qui armés de fusils et nous éblouissant avec de fortes lumières nous soumettent à un contrôle d'identité, enregistrent la Jeep dans lequel nous voyagions, la procédure dure environ une demi-heure. Lorsqu'on les consulte sur les motifs du contrôle, les carabiniers ont déclaré qu'on était en zone de conflit indigène. Quand on leur remarque qu'ils sont là pour protéger des témoins du ministère public et non pour qualifier de "zone de conflit" les communautés du secteur, ils restent dans le silence. Ils interrogent chaque personne de manière séparée. Finalement ils nous séparent, mettent deux compagnons dans leur camionnette et deux carabiniers dans notre véhicule. On nous emmène à 1 heure du matin au poste de Ercilla où on nous signale que nous avions des problèmes avec les papiers du véhicule, fait qui effectivement ainsi.
Le sous-officier à charge du poste, après avoir noté tous nos antécédents, nous laisse en liberté sous le regard ennuyé du chef de l'unité de carabiniers qui nous a arrêtée, Rubén Osses.


La lecture de la sentence définitive argumentant la condamnation à 10 ans de prison et le paiement d'une indemnisation de 425 millions de pesos (65.000 euros) à l'entreprise Forestal Mininco a duré plus de 4 heures (le document comporte 80 pages)… Sans doute, avec une telle extension, les juges ont voulu rendre plus légitime une décision que de nombreuses personnes ont déjà commencé à contester…


Pourtant, la défense insiste sur le fait, qu'il n'existait aucune preuve contre leurs clients… Par exemple, José Huenchunao, important dirigeant public Mapuche, a été reconnu dans un seul témoignage qui est confus., alors que plusieurs témoins l'ont vu à Santiago au moment de l'incendie. Malgré cela, il est condamné pour sa participation à l'incendie en tant qu'auteur intellectuel, il est censé avoir dirigé l'organisation de l'incendie… Les contradictions dans les témoignages de l'accusation sont multiples, mais il ne semble pas que les juges en aient pris compte.

A la lumière des diverses pressions politiques exercées durant le procès, on est en droit de douter de la possibilité qu'une telle décision soit remise en cause lors d'un second procès. Pourtant, il faut le demander et essayer que cette fois-ci, un public soit présent… La qualification même du délit - incendie terroriste - et l'application d'une législation spéciale constituent des bases arbitraires à un procès équitable. Les différentes déclarations de personnalités du gouvernement appelant à faire un exemple de ce procès en condamnant ceux qui troublent la tranquillité des communautés Mapuche en réclamant des terres de façon illégale, constituent des injonctions assez claires pour les juges et ceux qui vont être chargés durant les prochaines semaines de décider de la validité du procès…

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Les accusés de l'affaire Poluco Pidenco sont Patricia Troncoso (liberté surveillée), José Huenchunao (liberté surveillée), Florencio Marileo (liberté surveillée), Juan Ciriaco Millacheo (liberté surveillée),  Juan Patricio Marileo (liberté surveillée), Mireya Figueroa (déclarée en fuite), José Llanquileo (déclaré en fuite), José Cariqueo (déclaré en fuite), Luis Catrimil (déclaré en fuite), Juan Carlos Huenulao (déclaré en fuite),  Juan Antonio Colihuinca (déclaré en fuite),

Leurs avocats sont Sandra Jelves, Solange Sufan et Miriam Reyes

Les juges durant le procès oral sont Waldemar Koch, Luis Sarmiento et  Georgina Solís.

La préparation du procès oral a été instruite par la juge Nancy Germany

Le procureur général est Esmirna Vidal, et les juges d'instructions Sergio Moya, Alberto Chiffelle, Cristián Paredes.

Les plaignants sont représentés par Miguel Soto (Forestal Mininco)  et Jorge Fuentealba Lara (Sous-préfecture de Malleco et Ministère de l'intérieur)

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 Paris, août 2004.
Réseau d'Information et de Soutien au Peuple Mapuche. - http://mapuche.free.fr

 Informations obtenues grâce à la collaboration des membres du programme de Droits Indigènes et les avocats des inculpés