Liste actualisée des prisonniers politiques Mapuche (Chili)
Mai 2006

 

On dénombre actuellement 12 Prisonniers Politiques Mapuche détenus dans les centres Pénitenciers de Concepción, Angol, Lebu et Traiguen condamnés ou risquant des peines allant de 5 à 10 ans de prison, ainsi qu'une trentaine de personnes qui se sont déclarées en fugue afin d'éviter les mêmes condamnations.

L’application de la loi antiterroriste (nº 18.314), instaurée en 1984 sous la dictature, et modifiée à deux reprises (1991 et 2002) durant la période encore inachevée de "retour à la démocratie", a constitué jusqu'à aujourd'hui l'un des mécanismes pour accuser et condamner les dirigeants, autorités traditionnelles, membres et sympathisants des communautés Mapuche en conflit. D'autre part, le recours à la justice militaire pour juger de nombreux membres de communautés Mapuche s’opposant à l’intervention policière, lors de récupération de terres ou de manifestations pacifiques, a été un autre instrument important de répression envers les membres des communautés Mapuche. Enfin, le recours à la justice de droit commun est à présent de plus en plus fréquent.

Situation individuelle des prisonniers

- Victor Ancalaf Llaupe (37 ans), dirigeant de la communauté Choiñlafkenche (Collipulli), condamné en 2004 à 5 années de prison pour l'incendie terroriste d'un camion de l'entreprise ENDESA en mars 2002 dans le contexte du conflit entre communautés Pehuenches et la construction d'un barrage hydro-électrique sur leur territoire traditionnel. Il purge sa peine depuis novembre 2002 à la prison El Manzano de Concepción, dans la section réservée aux petits délits et aux prisonniers politiques. Il a fait, à plusieurs reprises, la demande pour une libération dominicale à laquelle il a droit.
En 2005, une requête (CAUSE 581-05-Chile) concernant des vices de forme et l'application inappropriée de la loi antiterroriste durant son procès a été déposée, contre l'Etat Chilien, auprès de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) dépendant de l'Organisation des Etats d'Amérique.

- Pascual Pichún Paillalao (52 ans), Lonko (chef traditionnel) de la communauté de Temulemu (Traiguen), condamné à 5 ans et un jour pour menace terroriste. Il a été acquitté des accusations d’incendie terroriste ainsi qu’à trois reprises dans un procès pour délit d’association illicite terroriste. Il purge sa condamnation depuis le mois de janvier 2004 dans la prison de Traiguen et a déjà fait trois fois la demande d’une libération dominicale qui lui a été refusée malgré le rapport favorable de l'administration pénitentiaire. Il va demander dans le prochain mois la liberté conditionnelle.
En août 2003, une requête (CAUSE 619-03-Chile) concernant des vices de forme et l'application inappropriée de la loi antiterroriste durant son procès et celui d’Aniceto Norin, pour menace terroriste, a été déposée auprès de la CIDH contre l'Etat Chilien.

- Aniceto Norin Catriman (43 ans), Lonko (chef traditionnel) de la communauté de Didaico (Traiguen), condamné à 5 ans et un jour pour menace terroriste. Il a été acquitté des accusations d’incendie terroriste ainsi que, récemment et à deux reprises dans un procès pour délit d’association illicite terroriste. Il purge sa condamnation depuis le mois de janvier 2004 dans la prison de Traiguen, et a fait trois fois la demande d’une libération dominicale qui lui a été refusée malgré le rapport favorable de l'administration pénitentiaire. Il va demander dans le prochain mois la liberté conditionnelle.
En août 2003, une requête (CAUSE 619-03-Chile) concernant des vices de forme et l'application inappropriée de la loi antiterroriste durant son procès et celui de Pascual Pichún, pour menace terroriste, a été déposée auprès de la CIDH contre l'Etat Chilien.

- Rafael Pichún Collonao (21 ans), membre de la communauté de Temulemu et fils du lonko Pascual Pichún, condamné à 5 ans de prison et au paiement d'une amende de 6 millions de pesos chiliens pour l'incendie d'un camion de transport forestier. Il est emprisonné depuis le 20 juillet 2005. En août 2003, une requête concernant sa situation et celle de son frère (aujourd'hui en fuite et demandeur d’asile politique en Argentine), pour violation d’accords internationaux (notamment celui de San José de Costa Rica) interdisant l'emprisonnement pour dette, a été déposée auprès de la CIDH contre l'Etat Chilien.

- José Nain Curamil (30 ans), dirigeant de la communauté de Temucuicui (Ercilla), condamné en 2003 à 5 années pour incendie d'une propriété forestière de l'entreprise MININCO. Il purge sa peine depuis le mois de septembre 2003, dans un centre pénitentiaire d’Education et de Travail (CET) de la ville d’Angol (IXe région) où sont entrepris différents travaux d’agriculture, de production fruitière, d’horticulture, etc.

- Patricia Troncoso Robles (36 ans), en grève de la faim depuis le 13 mars 2006, militante de la cause mapuche, a été condamnée à 10 ans et un jour pour incendie terroriste de la propriété Poluco Pidenco et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Acquittée pour l’accusation d’incendie et de menace terroriste ainsi que dans le procès pour association illicite terroriste, elle purge une condamnation dans la prison d’Angol depuis août 2004. Une demande auprès de la CIDH (CAUSE 429-2005-Chile) a été présentée au nom de Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, José Huenchunao et Ciriaco Millacheo en raison des nombreuses irrégularités observées durant le procès Poluco Pidenco.

- Jaime Marileo Saravia (27 ans), en grève de la faim depuis le 13 mars 2006, appartient à la communauté mapuche de San Ramón, (Ercilla). Il a été condamné à 10 ans et un jour pour délit d’incendie terroriste et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Il purge sa condamnation à la prison d’Angol (IXe région), depuis août 2004. Une demande au niveau de la CIDH (CAUSE 429-2005-Chile) a été présentée au nom de Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, José Huenchunao et Ciriaco Millacheo pour les nombreuses irrégularités observées durant le procès Poluco Pidenco.

- Patricio Marileo Saravia (31 ans), en grève de la faim depuis le 13 mars 2006, frère du précédent, appartient à la communauté mapuche de San Ramón (Ercilla). Condamné à dix ans et un jour pour délit d’incendie terroriste et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Il purge sa condamnation dans la prison d’Angol (IXe région) depuis août 2004. Une demande au niveau de la CIDH (CAUSE 429-2005-Chile) a été présentée au nom de Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, José Huenchunao et Ciriaco Millacheo pour les nombreuses irrégularités observées durant le procès Poluco Pidenco.

- Juan Carlos Huenulao Lienmil (38 ans), en grève de la faim depuis le 13 mars 2006, appartient à la communauté de Tricauco, (Ercilla). Condamné, en avril 2005, à dix ans et un jour pour incendie terroriste et à une amende de 400.000.000 pesos chiliens en faveur de l’entreprise forestière MININCO S.A. Il purge sa condamnation à la prison d’Angol (IXe région) depuis le 19 février 2005. Il faut préciser que Juan Carlos Huenulao a vécu clandestinement à peu près un an avant d’être arrêté. Il doit présenter prochainement une demande auprès de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) pour les mêmes raisons que Patricia Troncoso, Jaime Marileo, Patricio Marileo, Ciriaco Millacheo et José Huenchunao (CAUSE 429-2005-Chile).

Brève analyse de la situation actuelle (décembre 2005).

Suite à l'annulation à deux reprises (en novembre 2004 et juillet 2005) du procès pour association illicite et terroriste, on a pu constater une recrudescence de la répression au sein des communautés. Cette répression de "basse intensité" est plus discrète et a plusieurs objectifs :

- terroriser les communautés revendiquant leur terre et les personnes susceptibles de les soutenir (rafles et perquisitions policières répétitives à l'aurore au sein des communautés, écoutes téléphoniques, filatures, intimidations, accusations et poursuites judiciaires envers les avocats défenseurs…) ;
- persécuter les fugitifs entrés en clandestinité (contrôles incessants, arrestations arbitraires afin d'obliger les personnes arrêtées à faire de la délation...);
- contrôler des zones économiquement importantes.

C'est ainsi que le dimanche 16 octobre 2005 a eu lieu une vaste rafle policière au sein de la communauté Nicolas Calbullanca (commune de Cañete). Plusieurs autorités judiciaires de la région étaient présentes, trois personnes, dont un mineur de 13 ans, ont été interpellées et accusées de vol d'animal et d’opposition aux forces de l'ordre. Le lendemain, le procureur chargé de cette opération, Eduardo Elgueta, a déclaré que cette opération était destinée à mettre fin à la délinquance régnant dans cette zone. Il a annoncé la mise en place d'un camp militaire de la marine chargé de contrôler le trafic sur le lac Lleu Lleu (zone connue pour la présence de nombreuses communautés revendiquant leurs terres occupées par des exploitations forestières et des infrastructures touristiques), ainsi que le renforcement des effectifs policiers. Plusieurs incursions policières et arrestations au sein des communautés du lac Lleu Lleu ont eu lieu durant les semaines suivantes sous prétexte de poursuivre des délinquants. Selon les communautés et organisations Mapuche de cette zone, cette présence policière et militaire constante et récemment officialisée a un autre objectif : celui de persécuter les fugitifs et de contrôler les communautés susceptibles de se mobiliser pour leurs droits territoriaux et politiques. D'autre part, l'arrestation de nombreuses personnes pour délit commun (vol de bétail, bagarres, etc.…), en collaboration avec des militaires, a permis d'interroger les détenus sur la présence de fugitifs dans la zone. Cette pratique consistant à inciter à la délation en échange de l'abandon de toutes poursuites à l’encontre du délateur a déjà été dénoncée dans d'autres procès et constitue l'une des méthodes d’action des procureurs au sein des communautés Mapuche depuis la mise en place de la réforme judiciaire en décembre 2000.

Cette nouvelle stratégie consistant à qualifier les revendications mapuche de "délits communs" et non plus "d'actions terroristes" s'explique par le fait que la loi antiterroriste utilisée jusqu'à maintenant pour persécuter les Mapuche a fait depuis quelque temps l'objet d'amples dénonciations au niveau national et international, rendant évidente la difficulté d’utiliser cette législation de la dictature pour poursuivre des mobilisations sociales. Un grand nombre d'organisations Mapuche et de personnalités politiques se sont ainsi prononcées pour la fin de l'application de la Loi Antiterroriste. Il semble que celle-ci soit de plus en plus difficile à appliquer pour réprimer les actions des communautés - même si la loi antiterroriste a encore été invoquée, en novembre 2005, dans l'instruction concernant des incidents qui se sont déroulés au bord du lac Lleu Lleu, dans la VIII° région. Cependant la "criminalisation" des actions revendicatives des Mapuches continue maintenant avec la loi de droit commun qui qualifie leurs actions de délits de "désordre public", d'association illicite, de "vol de terres", ou encore avec des tribunaux spéciaux tels que la Fiscalia Militar qui a la faculté de juger des civils ayant commis un délit à l'encontre d'un carabinier…


Rapport élaboré sur la base d'informations fournies par l'Agrupación de Familiares y Amigos de los Presos Politicos Mapuche et les avocats Myriam Reyes et Sergio Fuenzalida.

Personnes condamnées et recherchées :

José Huenchunao (10 ans et un jour)
Juan Ciriaco Millacheo (10 ans et un jour)

Personnes en procés et placées en liberté surveillée - ou recherchées - et risquant entre 3 ans et 15 ans de prisons :

Lonko José Cariqueo
Luis Catrimil
José Llanquileo
Mireya Figueroa
Jorge Huaiquin Antinao
Marcelo Quintrileo Contreras
Oscar Orlando Higuera Quezada
Bernardita Chacano Calfunao
Angélica Ñancupil Poblete
José Huenchunao Mariñan
Hector Llaitul Carillanca

(Liste incomplète)


Contacts avec l'agrupation de familles et amis des Prisonniers Politiques Mapuche :
Agrupación de Familiares y Amigos de los Presos Politicos Mapuche

Contact avec Victor Ancalaf et sa famille : solidaridad_ancalaf@yahoo.es