Les Mapuche et le terrorisme de l’État chilien.
Appel à solidarité
avec les Prisonnier-e-s
Politiques
Mapuche et leurs communautés.
9
mai 2010
“Maintenant, avec le Président Sebastian
Piñera, les choses vont changer, nous allons prendre le
contrôle sur vous tous, indiens de merde, délinquants,
terroristes. On verra bien si ça vous donne encore envie
de réclamer des terres. La prison et des balles, c’est
tout ce qu’on vous donnera.”
Ditter Villaroel, major de la prison d’Angol.
Au Chili, les Prisonnier-e-s Politiques Mapuche (PPM)
sont au nombre de 52, et l’on peut aussi ajouter les 22
Mapuche devant se plier à des « mesures préventives »
pour se faire une idée de l’ampleur de la persécution
judiciaire dont sont victimes les communautés luttant
pour leur territoire et leur autonomie.
Le peuple Mapuche, originaire du sud de l’Amérique latine
(Argentine et Chili), peut se vanter d’avoir été le seul
peuple qui a tenu tête à l’invasion coloniale jusqu’au
début du 19ème siècle. C’est seulement au moment
de la formation des états indépendantistes chilien et
argentin que les Mapuche furent finalement vaincu-e-s
connaissant le sort funeste de tous les autres peuples
originaires d’Amérique : génocide, déplacements violents
de populations vers des réserves, occupation de leur territoire
pour le destiner à des fins d’exploitation capitaliste,
esclavage, famines, maladies, tortures, viols, etc.
Loin de s´être résigné-e-s au fil des siècles suivants,
les Mapuche, comme la majorité des autres peuples d’Amérique,
ont conservé leur propre culture et la conscience d´être
un peuple opprimé obligé de lutter pour sa survie. La
dictature militaire de Pinochet (1973-1989) ne les a pas
non plus fait taire bien que plus de 300 des 5000 « détenu-e-s/disparu-e-s »
furent des dirigeant-e-s Mapuche.
Quand est enfin arrivée la transition démocratique, la
Concertation (alliance de partis politiques du centre
et de gauche) s’est retrouvée immédiatement au pouvoir
mais n’a jamais été à la hauteur des espérances. Tout
d’abord, elle n’a même pas essayé de modifier la nouvelle
Constitution rédigée sous Pinochet, véritable bouclier
légal contre d’éventuelles et souhaitables représailles
judiciaires contre l’élite fasciste de la dictature. Au
fil de ses différents mandats, tantôt sous l’étiquette
démocrate-chrétienne tantôt sous celle du socialisme,
elle soutiendra et même fomentera tout type de projet
capitaliste sur le Wallmapu (territoire Mapuche) déjà
bien saturé d’entreprises forestières.
Pour finir et bien faire, la Concertation, non contente
de conserver également la législation antiterroriste héritée
du même gouvernement militaire, les renforcera à deux
reprises.
Depuis 2002 environ, l’opération policière nommé Patience
qui s’est particulièrement fait remarquer pour sa grande
capacité à construire des montages judiciaires à la fois
tragiques et absurdes, est à l’origine du nombre sans
cesse croissant de Mapuche emprisonné-e-s. Les lois antiterroristes
apportent les outils légaux nécessaires à ces montages
en permettant aux procureurs de recourir à des témoins
dits « sans visage » qui ne sont ni plus ni
moins des témoins anonymes et bien souvent payé-e-s qui
déclarent sous protection (pression) policière et n’apparaissent
au tribunal que derrière un rideau, la voix distorsionnée.
Les enquêtes peuvent rester secrètes pendant la majeure
partie de l’instruction qui suit l’emprisonnement préventif
des inculpé-e-s ce qui rend le travail de la défense simplement
impossible. De plus, une condamnation pour conduite terroriste
peut doubler la peine de prison et ne permet aucune remise
ou aménagement de peine.
L’autre astuce qui permet de garder les Mapuche un maximum
de temps en prison avant même qu’illes soient condamné-e-s
est l’application de la justice militaire en plus de la
justice civile. Pratique tout à fait illégale puisque
la justice militaire existe essentiellement pour juger
les forces de l’ordre en général, elle permet de juger
deux fois les Mapuche pour un même fait lorsqu’il est
de près ou de loin lié à ces mêmes forces de l’ordre.
Cette justice étant beaucoup plus lente que la civile,
il peut parfois s’écouler de longues années avant d’obtenir
un verdict.
L’un
des prochains gros procès.
En ce sens, les procureurs et la police d’investigation
ont bien fait leur travail : faire correspondre le
début d’importants procès contre les Mapuche quand
la droite assume le pouvoir et que va commencer le championnat mondial de
football. Il était tout à fait prévisible que la Concertation
allait pour la première fois devoir quitter la présidence
et que la droite allait prendre le relais. Celle-ci n’a
jamais ne serait-ce que tenter de masquer son racisme
et plus particulièrement sa haine sans fin pour les Mapuche
revendiquant leurs terres. Elle a toujours dénoncé la
Concertation pour sa supposée faiblesse face aux Mapuche
bien qu’elle soit responsable de la mort de trois d’entre
eux, assassinés par la police lors de récupérations de
terre.
Elle a toujours appelé à appliquer toute la « rigueur
de la loi » contre les Mapuche et en particulier
les lois anti-terroristes. Elle s’est toujours fait le
porte-parole défendant les intérêts économiques de celleux
que combattent les Mapuches sur leur territoire (latifundistes,
multinationales). Et elle soutient et protège un groupe
para-militaire dénommé Trizano qui a déjà attaqué plusieurs
fois des communautés Mapuche et menacé de mort plusieurs
dirigeant-e-s emblématiques de ces communautés. Il était
donc évident que le nouveau président Piñera dont l’équipe
de politicien-ne-s est tantôt liée à la dictature tantôt
à des scandales financiers, n’allait pas laisser la Concertation
remporter le championnat de la répression. Pendant que
partout dans le monde, les millions d’yeux pourvus d’une
télé seront fixés sur un ballon de foot, les victimes
de la répression ne verront plus qu’eux-mêmes. Grâce
aux cris de joie et de déception qu’occasionnera le championnat
de foot, le verdict des juges contre les Mapuches a de
forte chance de ne résonner que dans les salles de tribunaux.
Le 10 mai va commencer la préparation du procès qui concernent
19 Mapuches appartenant presque tous à la communauté de
Puerto Choque du lac Lleu Lleu. Et 5 d’entre eux sont
des militants de la très persécutée Coordinadora Arauco
Malleco (CAM), organisation Mapuche la plus radicale au
Chili tant au niveau de ses idées que de ses actions.
Anti-capitaliste, elle n’a en plus jamais céder aux propositions
de négociations avec les autorités chiliennes. Elle est,
depuis ses débuts en 1999, jusqu’à aujourd’hui, la référence
en termes d’actions directes et de fermeté quant à sa
ligne politique. Une fois dans le passé, la justice chilienne
a déjà essayé de la rendre illégale en essayant de démontrer
son caractère terroriste, en vain. Aujourd’hui le procureur
Andres Cruz tente de nouveau d’appliquer le schéma terroriste
sur cette organisation et ses sympathisants, et va jusqu’à
demander 103 ans de prison pour un de ses membres, d’autres
tout ausi « chanceux » sont pourtant loin derrière
avec des peines de 65 et 52 ans...
Mais de quoi sont donc accusés ces Mapuche pour
mériter de mourir de prison ? Les chefs d’accusation
sont les suivants : attentat contre un procureur,
tentative d’homicide, association illicite terroriste,
dommages causés aux biens de la police, dommages causés
aux biens d’un procureur, incendies terroristes, tentative
de vol.
Les 5 premieres accusations dérivent d’un seul et même
fait : une invasion policière de plus dans la communauté
de Puerto Choque qui fut cette fois repoussée par la communauté.
Quelques mois auparavant, la communauté avait initié une
récupération de terre sur la propriété d’une entreprise
forestière entraînant une augmentation de la présence
policière sur la communauté. Lasse des conséquences répressives
systématiques de cette présence offensive, la communauté
a finalement réagit en légitime défense.
Trois des incendies terroristes concernent des résidences
secondaires du bord du lac Lleu Lleu, luxueuses propriétés
de riches Chilien-ne-s peu scrupuleu-se-s. Le quatrième
concerne un campement forestier.
Quant à la victime du supposé vol avec intimidation,
il s’agit ni plus ni moins de Santos Jorquera, fasciste
reconnu et dénoncé dans le dossier Valech sur la dictature
oú cet obscur personnage est cité comme bourreau et collaborateur
des militaires sur la communauté de Puerto Choque. Sa
maison fut également utilisée comme prison et lieu de
torture de campagne. Il a jusqu’à aujourd’hui activement
collaboré avec les forces policières. Rien que ce supposé
vol peut coûter plus de 15 ans aux Mapuche parce qu’il
aurait éte commis par une association terroriste :
ça coûte moins cher de tuer sa voisine... en tout bien
tout honneur. Rien que pour ce procès, vaste accumulation
d’accusations entremêlées, le ministère public va citer
230 témoins et s’appuyer sur plus de 100 rapports d’experts
et d’écoutes téléphoniques.
Sans aller jusqu’à détailler les frauduleuses preuves
qui accusent les Mapuche, on peut néanmoins s’arrêter
sur le cas d’un des (ex) accusés : Alcides Pilquiman
aujourd’hui « disparu ». Ce jeune Mapuche de
22 ans a rapidement « bénéficié » de la liberté
surveillée après avoir passé quelques mois en prison préventive.
C’est le ministère public lui-même qui a demandé la révision
de sa situation alors que les efforts des avocats dans
ce sens sont en général inutiles. Originaire de Puerto
Choque, ses amitiés l’ont amené à participer à la récupération
de terre de sa communauté. Celleux qui le connaisssent
se rappellent de lui comme un gars volontaire, ayant une
bonne condition physique qui lui permettait de participer
activement durant les affrontements avec la police lorsque
celle-ci attaquait la communauté. Pourtant Elcides est
probablement le principal témoin sans visage du prochain
procès. Ses déclarations au fil de l’instruction ont peu
à peu changé, se déclarant d’abord coupable puisque reconnaissant
sa participation dans les faits dont on l’accuse, il se
transforme ensuite en un simple observateur dénonçant
seulement les membres de la CAM. Lui-même est finalement
innocenté. Elcides a évidement été victime de pressions
et de tortures comme les autres Mapuche. Et cédant, il
s’est transformé en collaborateur. Depuis six mois, ni
sa famille ni son avocat savent oú se trouve Elcides.
La seule indication disponible est qu’il serait détenu
dans un lieu secret et sous haute surveillance par la
police d’investigation. Pour ne pas regretter sa collaboration et
trahison ? Voilà qu’une fois de plus la démocratie
n’a rien a envier à la dictature et les Prisonnier-e-s
Politique Mapuche peuvent donc s’attendrent au pire.
Chaque
fois plus de Prisonnier-e-s Politiques Mapuche
« J’en pouvais plus (...) et un policier du GOPE
(CRS) m’a visé avec son fusil et de nouveau il m’a insulté :
« reste là enculé d’indien ! reste là ou je
te tue ! ». Je ne pouvais rien faire alors je
me suis rendu. Il m’a tordu le bras et m’a jeté à terre
puis il m’a donné plusieurs coups de pieds. Il m’a frappé
à la tête aussi. Il y avait un canal et ils m’ont mis
dedans et ils m’ont dit : « aller couillon,
tu vas bien te mouiller pour tomber malade », que
des choses dans le style ils me disaient et ils me poussaient,
ils m’ont tenu un sacré moment sous l’eau, j’en ai même
avalé, j’étais tout crad, et la tête, pareil, toute mouillée. »
Témoignage d’un jeune Mapuche de 14 ans (F.P.M.).
Ce que ne peut pas refléter la liste des PPM, c’est la
quantité d’arrestations qui accompagne le quotidien des
Mapuche engagé-e-s ou non dans la résistance. Il serait
trop laborieux de vouloir en dresser une liste complète,
et bien des pages se rempliraient pour dire une seule
chose : persécution systématique et souvent cruelle
de la part de policier-e-s comme de civil-e-s. Pour illustrer
ce propos, il suffit de se pencher sur quelques cas de
détentions, pas plus tard que ces dernières semaines.
-
Juan Carlos Curinao Traipe : l’exemple de
ce jeune Mapuche, fils d’un longko appartenant à l’organisation
Alliance Territoriale Mapuche (ATM) montre de manière
indiscutable la détermination à emprisonner les Mapuche
même lorsqu’il est évident que les accusations qui pèsent
contre elleux sont absolument fausses et éhontées, même
quand il semble impossible de pouvoir convaincre l’opinion
publique de la véracité des accusations. Alors qu’il s´était
rendu à la prison de Ercilla, en octobre 2009, pour prendre
des nouvelles du longko Juan Catrillanca fraichement détenu,
et face aux caméras de télévision, plusieurs policiers
le frappèrent à coups de pieds dans le visage. La nouvelle
fut nationale, et le visage complètement tuméfié, Curinao
put témoigner face aux mêmes caméras de son agression
sans d’autres raisons que la haine et le racisme. Le 16
avril dernier, alors que le tribunal militaire avait fait
mettre en prison préventive trois des policiers agresseurs,
la Cour Militaire les a absout de toute accusation. Quatorze
jours plus tard, Curinao est fait prisonnier pour dommages
causés aux biens de la police en service et comme c’est
maintenant la tradition au Chili, il sera jugé par la
justice militaire. Pour comprendre cette détention absurde
et injuste au-delà de l’évidente impunité dont bénéficient
les forces de police, il est utile de préciser que l’ATM
a déclaré il y a peu un ultimatum à Piñera, lui donnant
un mois pour réagir avant de devoir affronter de nombreuses
mobilisations. La nouvelle persécution envers le werken
de cette organisation, Mijail Carbone, confirme qu’il
s’agit bien là de la réponse de Piñeyra à l’ultimatum.
Mijail Carbone est de nouveau recherché par la police
pour une amende impayée qu’il a éte condamné à payer suite
à une supposée « usurpation violente » sur la
propriété du très fasciste René Urban.
-
Mario Millanao et Bernabé Huenchullan : en
avril, alors qu’ils recherchaient du bois de chauffage
sur un chemin public, un contingent policier fortement
armé et deux civils arrêtent leur véhicule. Sous la menace
verbale et physique, Mario Millanao, son épouse Elvira
Escobar, leurs deux jeunes enfants de 6 et 10 ans, la
mère de Elvira, Elba Morales, et le neveu de Millanao,
Bernabé Huenchullan Millanao se voit obligé-e-s de descendre
de la camionnette. La police menotte Mario et Barnabé
et les deux civils les insultent, les accusent de vol,
les menacent de meurtre et les frappent à coups de pierre.
Les deux femmes tentant de s’interposer, sont frappées
à leur tour sous les yeux des enfants. Les deux civils
sont René Urban et son fils. Urban n’en est pas à sa première
agression envers les Mapuche. Et ce n’est pas non plus
la première fois que la police s’en fait complice. Urban
est célèbre pour être un de ces descendants de colons
qui apparaît volontiers à la télé en pleurnichant comme
un saint innocent face aux supposées attaques dont il
souffre. Riche propriétaire terrien, raciste revendiqué,
membre du commando Trizano, il bénéficie de protection
policière 24 heures sur 24 et voue une partie incroyable
de son temps à persécuter les Mapuche qui vivent dans
les communautés voisines de « ses » terres.
Suite à l’agression faite à Mario Millanao et sa famille,
la police les a tous emmené au poste de police de Ercilla.
Ils ont dû y passer une bonne partie de la journée avant
d’être conduits à un hôpital pour constater leurs lésions.
Mario Millanao a du être admis imédiatement aux urgences
pour 4 côtes fêlées. Sa belle-mère est aussi restée à
l’hôpital oú elle a été mise sous perfusion. Le reste
de la famille a dû attendre le 2 mai pour sortir
du commissariat et aller à l’audience de formalisation
des charges retenues contre Mario et Bernabé. Finalement
accusés de dommages simples, ils n’ont pas écopé de prison
préventive, ce qui a eu pour conséquence le redoublement
de la présence policière dans leur communauté pour avoir
à l’oeil ces « dangereux Mapuche ».
-
F.P.M, 14 ans : l’histoire de cet adolescent
est particulièrement effrayante et démontre justement
la volonté de l’État chilien de terroriser les Mapuche ;
d’une part parce qu’il s’attaque chaque fois plus fort
aux mineur-e-s en espérant mater la génération qui bientôt
prendra les rênes de la résistance Mapuche ; et d’autre
part parce qu’elle fait resurgir les méthodes les plus
emblématiques de la doctrine de la guerre contre la subversion,
contre l’ennemi intérieur. Détenu alors qu’il fuyait la
répression policière qui visait d’autres jeunes participant
à une récupération de terre, cet adolescent a éte torturé
sur le lieu même de la détention. En essayant d’abord
de se cacher, il reçu des impacts de balles dans la jambe,
le coude et le dos. Puis courant sur près de trois kilomètres,
il a finalement éte rattrapé par un hélicoptère volant
au ras du sol. Une arme sur la tempe, frappé, menacé de
mort, il a en plus été maintenu entièrement sous l’eau
d’un canal à plusieurs reprises. La police l’a ensuite
attaché, l’obligeant à monter à bord de l’hélicoptère.
Une fois en vol, l’adolescent a été couché au sol, la
tête à l’extérieur et menacé d’être balancé dans le vide
s’il ne donnait pas les noms des Mapuche participant à
la récupèration de terre. « Et moi je leur disais
que non, que je ne pouvais donner aucun nom, parce que
je ne savais rien. Et ils me frappaient encore plus. Ils
me disaient « enculé d’indien, donne moi tous les
noms des personnes qui étaient là si tu ne veux pas mourir.
Sinon, on va te jeter dans le vide. ». À l’atterrissage,
les médias l’attendaient, et à cet effet, la police lui
a passé une cagoule sur la tête et lui a mis des pierres
dans les mains. Au commissariat ou il a ensuite été emmené
(à 25 km du commissariat qui correspondait à son lieu
de détention), il a de nouveau été insulté par les policiers.
Et à l’hôpital, le médecin n’a rien trouvé de mieux que
d’approuver l’attitude policière. Pour comble, les policiers
ont finalement tenté deux fois de faire signer au père
de l’adolescent un document sans date stipulant l’accusation
faite à son fils à savoir l’usurpation de terres.
-
Vania Queipul Millanao et Cristina Millacheo :
âgées toutes les deux de 15 ans, elles sont respectivement
les filles des longko Victor Queipul et Ciriaco Millacheo,
le dernier se trouvant en situation de clandestinité.
Vania a éte détenue par la police civile le 6 avril à
son lycée pendant qu’elle déjeunait avec ses camarades.
Remise en liberté le jour même, elle risque cependant
d’être détenue de nouveau à tout moment. Cristina Millacheo
a éte arrêtée dans les mêmes conditions, le 27 avril dernier.
Les deux jeunes filles sont accusées de désordres sur
la voie publique. Dans le cadre d’une mobilisation à Collipulli
suite à l’assassinat de Jaime Collio en août 2009, les
vitres du ministère public ont été brisées. Durant cette
même journée, Vania Queipul et son amie Cristina Millacheo
se dirigeaient à leur internat quand, en plein sur la
voie publique, loin des faits dont on les accuse, elles
ont été détenues une première fois pour les verbaliser
puis les laisser en liberté. N’est-il pas étrange que
le seul témoin qui les accuse soit le procureur qui mène
l’investigation ?
Contrairement aux dénonciations faites par le procureur
Ljubetjic, autre procureur antiMapuche, qui pointait le
doigt vers la grande commodité dont bénéficieraient les
Mapuche en prison, comme l’eau chaude par exemple, les
mauvais traitements et violations des droits de l’homme
sont coutûmes. Il faut en effet préciser le fait que,
dans certaines prisons, il existe effectivement un système
de visites spéciales pour les PPM, comme par exemple un
jour supplémentaire ou des horaires plus étendus. Il est
aussi possible de leur apporter des denrées alimentaires
normalement interdites parce que la plupart des PPM refusent
de s’alimenter avec la cuisine sauce bromure de la prison,
et parce qu’il ne leur viendrait pas à l’idée de boire
de la confiture fermentée, ni de fumer de la peau de banane.
Mais n’allons pas croire qu’il s’agit là de privilèges.
Même en prison, les Mapuche s’organisent et illes ont
plus d’une fois dû recourir à la grève de la faim pour
dénoncer leurs conditions d’emprisonnement et les condamnations
injustes qu’illes doivent endurer. Chaque petite amélioration
de leur condition en prison a été obtenue par la lutte.
Par ailleurs, ceci n’est rien de plus que de la poudre
jetée aux yeux puisqu’en réalité, les PPM ne cessent de
dénoncer les mauvais traitements auxquels illent sont
soumis. Voici quelques exemples récents :
-
Angol, le 23 avril : Jorge Mariman et José
Millacheo se sont retrouvés en cellule punitive, isolés
avec l’interdiction de s’alimenter et de recevoir des
visites suite à une agression de la part du major de la
prison Ditter Villaroel. Pour humilier les prisonniers,
celui-ci leur a demandé de répéter leurs noms à plusieurs
reprises. Ces deux Mapuche refusant de se prêter à ce
jeu ridicule, furent immediatement punis. Quatre jours
plus tard, sans avoir prévenu personne, la gendarmerie
a conduit Jorge Mariman directement depuis sa cellule
punitive à la prison de Victoria oú il lui a été de nouveau
interdit de recevoir des visites.
-
Chol Chol,
le 1er mai : les cellules de mineurs PPM
ont été perquisitionnées à deux reprises, la première
fois par la gendarmerie, la seconde par les CRS affectés
à la prison. Brutalement jetés en dehors de leurs cellules,
ils ont ensuite été soumis à d’autres humiliations obligeant
par exemple l’un d’entre eux à courir plié en deux. Est-ce
un hasard si le rapport médical de ce Mapuche lui interdit
tout effort ou exercice à cause d’une greffe de peau dans
la jambe ? En tous cas, il n’est pas du tout fortuit
que cette course grotesque lui ait provoqué de nombreux
malaises et douleurs.
La
boucle est bouclée
Pour bien comprendre la situation du peuple Mapuche,
il est nécessaire de mettre l’accent sur sa complète marginalisation
au sein de la société chilienne grâce au phénomène de
la réduction (ou réserve indienne) qui aujourd’hui se
dessine bien au-delà des simples limites géographiques
de la communauté. Au moment de la colonisation chilienne
du territoire Mapuche, des agences de voyage un peu spéciales
ont importé des colons européens pour achever physiquement
l’occupation du Wallmapu. En s’accaparant les terres à
coup de fusils et d’incendies systématiques, et avec l’aide
matérielle apportée par le gouvernement chilien, ces colons
se sont transformés en propriétaires terriens. Elles ont,
de cette manière, étendu l’espace contrôlé par la colonisation
initiale en maintenant les Mapuche à distance. Les « lof »
qui regroupaient une ou plusieurs familles furent alors
déplacés violemment vers des terres moins fertiles et
dans un espace restreint et contraignant. Ce fut une manière
d’enfermer les survivants du génocide dans une prison
gratuite, de s’assurer une main d’œuvre à un prix défiant
toute concurrence, des femmes à l’occasion, etc. Aujourd’hui,
la réduction a pris le nom de communauté et est elle-même
défendue par les propres Mapuche comme le point minimum
irréductible où survivent tant bien que mal la langue
et la tradition. C’est en quelque sorte, ce qu’il reste
de territoire et le point d’expansion depuis lequel les
Mapuche peuvent organiser la résistance pour récupérer
leur territoire. Le nouveau contexte politique de l’État
colonial chilien ne permet pas à son gouvernement de recourir
à des moyens aussi radicaux qu’auparavant. Il a donc dû
inventer des ruses « démocratiques » pour contenir
l’existence des Mapuche dans l’espace limité de ces véritables
tranchées culturelles que sont les communautés. Il a pour
cela mis au point un autre système social spécifique pour
les Mapuche en créant une autre forme de réduction, non
plus cette fois seulement géographique sinon sociale.
Suite à la dictature et prenant au pied de la lettre les
revendications Mapuche comme une lutte à la fois spécifique
et totale puisque revendiquée non pas par un secteur social
de la population chilienne sinon en tant que peuple à
part entière, l’État chilien va développer toute une série
de mesures politiques et sociales traitant le « problème
Mapuche » à part tout en niant son identité comme
peuple.
Il créera pour commencer la CONADI, qui est une organisation
gouvernementale spécialement dédiée aux peuples originaires
et à leurs revendications. C’est elle qui s’est chargé
par exemple d’acheter des terres à des familles Mapuche
ou de régler des litiges en relation avec des usurpations.
Cette organisation est censée être l’interlocuteur de
l’État auquel doivent recourir les Mapuche pour ce qui
les concerne en tant que Mapuche. La CONADI n’est néanmoins
qu’un couloir menant les Mapuche, non pas à pouvoir prendre
la parole d’égal à égal avec l’État chilien (de nation
à nation), mais à l’apartheid social. La droite, à travers
les médias a toujours fustigé cette administration supposément
au service des Mapuche en dénonçant le fait que ce serait
une institution distribuant des privilèges à un secteur
particulier de la population chilienne simplement pour
avoir un nom d’origine indigène. Pourtant, un autre exemple
de son activité non mineure est en relation avec les projets
capitalistes sur le territoire Mapuche. Un projet économique
de grande ampleur pouvant créer un litige avec une communauté
parce qu’entraînant de nouveau un déplacement de celle-ci
ou parce que l’impact écologique serait funeste devrait
être approuvé d’abord par la communauté et par la CONADI.
Sans l’accord de celles-ci, le projet capitaliste ne pourrait
en aucun cas voir le jour. Cependant comme cela a déjà
été démontré dans le passé, la Conadi a falsifié des papiers
et remplit un rôle actif dans la pression exercé sur les
communautés de la part des entreprises pour pouvoir s’installer.
En définitive, la CONADI est le paravent social de la
politique chilienne contre les Mapuche. Si l’on passe
ce paravent, on découvre les mêmes charognards survolant
le territoire Mapuche pour leur soif de pouvoir et d’argent.
Qui ose les défier s’expose au plan B du gouvernement :
la répression.
Outre le fait que les communautés Mapuche aient le « privilège »
de voir défiler toutes les forces répressives possibles
y compris militaires pour punir leur mécontentement et
indiscipline, ils bénéficient en plus de tout un appareillage
judiciaire spécialisé. Ils ont à leur « service »
des procureurs spécialement dédiés au « conflit Mapuche »,
et des avocats de la défense publique spécialement chargés
de les représenter dans les procès. Est-ce utile de rappeler
que ces derniers travaillent donc pour le même Etat qui
les accuse ? Les Mapuche n’ayant pas les moyens de
se payer un avocat se retrouvent donc ligoté-e-s dans
les bras d’une justice machiavélique : une main les
berce fermement pendant que l’autre les frappe. Le peuple
Mapuche ne cherche pas une insertion sociale au sein de
la société chilienne, bien que différents secteurs politiques
de ce peuple aient des revendications qui s’en rapprochent
parfois. Mais il est une constante immuable de toutes
ces revendications : l’affirmation de leur existence
comme peuple et le droit à s’organiser elles et eux-mêmes
sur leur territoire. Bien qu’exclu-e-s à la lisière d’une
société honteuse de leur existence comme peuple originaire
non intégré à la vie occidentale chilienne et donc jugé-e-e
comme arrièré-e-s, les Mapuche ont su au cours des dernières
années briser les liens d’une politique qui les maintenaient
dans une réduction sociale totalement discriminatoire.
Le seul moyen qu’a donc trouvé l’État chilien pour lutter
contre le maigre circuit informatif sur lequel peuvent
compter les Mapuche et continuer à faire bonne figure
à l’étranger (au Chili, on ne viole pas les droits de
l’homme et on respecte nos indigènes) est de mettre en
place, ce qui existe déjà en Europe, le fameux « délit
de solidarité »l. Toute personne non Mapuche solidaire
ou simplement jugée trop sympathisante peut faire les
frais des mêmes montages judiciaires. Les Chilien-ne-s
sont perquisitionné-e-s voire inculpé-e-s et emprisonné-e-s
parfois pour leur simple travail de journaliste ou documentariste.
Les étranger-e-s sont en général arrêté-e-s, interrogé-e-s,
une partie de leur matériel professionnel confisquée et
sont ensuite expulsé-e-s. Ce n’est ni plus ni moins qu’une
autre manière de réduire au minimum l’espace vital des
Mapuche en cherchant à les couper du reste du monde par
tous les moyens.
Seule la solidarité avec leur lutte pour la récupération
de leur territoire et l’autonomie peut briser les frontières
de l’isolement que tente de leur imposer l’État chilien.
D’ores et déjà, les PPM et leurs communautés ont besoin
de toute la solidarité possible où que ce soit. Brisons
le silence en informant, dénonçant et en faisant pression
de toutes les manières possibles : l’imagination
et la radicalité n’étant pas de trop... du simple tract
à la documentation la plus étendue.
LIBERTÉ POUR LES PRISONNIER-E-S MAPUCHE
ABROGATION DES LOIS ANTI-TERRORISTES
NON AU DOUBLE JUGEMENT CIVIL ET MILITAIRE
FIN DE LA MILITARISATION DU WALLMAPU