La
situation des communautés Mapuche, et notamment celle de
leurs membres et dirigeants détenus depuis plusieurs mois
dans les geôles du sud du pays, suscite de plus en plus l’intérêt
et la préoccupation de l’opinion publique internationale.
Pour
preuve, la pétition signée cet été par
140 personnalités du monde politique et culturel français,
exigeant la libération des prisonniers politiques Mapuche
et l’arrêt de la persécution judiciaire et politique
envers les dirigeants et membres de communautés en conflit
territorial.
La parution au mois de mai d’un rapport de la Fédération
Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), à la suite
d’une mission effectuée dans le sud du Chili, a certainement
contribué à convaincre les parlementaires, ex-ministres
et artistes du bien fondé de la pétition qu’ils
signaient. De la même façon, la présence, au
mois de mars, d’avocats d’Amnesty International durant
le procès politique de deux autorités traditionnelles
et d’une militante de la cause Mapuche, ou encore la visite
en territoire Mapuche, au mois de juillet, du rapporteur spécial
sur la situation des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales
des populations autochtones à l’ONU, Rodolfo Stavenaghen,
ont été autant d’occasions de constater diverses
situations témoignant de la persistance de violations des
Droits de l’Homme particulièrement à l’encontre
des populations Mapuche.
Pourtant,
on n’a pas cessé de le répéter ces derniers
mois, à l’occasion des commémorations de la
mort d’Allende, « le Chili est devenu démocratique
» et a tourné la page de l’époque obscure
de la répression et de ses atrocités. Lorsque les
autorités politiques chiliennes actuelles évoquent
le « conflit indigène », elles se vantent d’avoir
mis en place une politique d’assistance à la hauteur
des attentes des populations concernées. Documents traduits
en mains, les ambassades du Chili implantées dans les capitales
des pays occidentaux tentent de prouver l’aberration des revendications
actuelles du mouvement Mapuche ainsi que des dénonciations
de violation des Droits de l’Homme qui y sont associées.
Les auteurs de ces dénonciations et ceux qui soutiennent
le respect des droits indigènes, sont ouvertement qualifiés
d’« agitateurs », voire de « terroristes
» internationaux : pour s’en convaincre on peut consulter
l’article publié dans El Mercurio et daté du
22 décembre 2002, dans lequel une trentaine de pages d’information
Mapuche dont http://mapuche.free.fr sont qualifiées de «
cyber-terrorisme ».
Certes,
il est une tendance internationale à transformer abusivement
toutes contestations de l’ordre établi en terrorisme,
mais dans le cas du Chili cela relève de diverses contradictions.
En effet, cela fait quelques années déjà que
les autorités politiques du Chili se vantent de diriger un
pays où « il n’y a plus de terrorisme »
à la différence d’autres pays du continent.
Encore récemment, le Président de la République,
Ricardo Lagos, déclarait à la presse : « il
n’y a pas de terrorisme au Chili » (La Tercera 24/03/2002).
Pourtant, comme l’ont dénoncé la FIDH, Amnesty
International, Rodolfo Stavenaghen ainsi que d’autres organisations
et de nombreuses personnalités soucieuses du respect des
Droits de l’Homme, le jugement d’une cinquantaine de
Mapuche en vertu de lois anti-terroristes est intolérable
dans un pays qui se prétend démocratique. D’autant
plus – autre contradiction – que ces lois anti-terroristes,
créées durant le régime militaire, sont les
mêmes qui furent combattues et contestées il y a 20
ans par ceux qui aujourd’hui gouvernent le pays et qui n’hésitent
pas à les appliquer pour « éteindre »
le feu de la contestation Mapuche.
C’est
ainsi que les autorités politiques chiliennes peuvent aujourd’hui
se vanter d’avoir réglé le « conflit Mapuche
» à travers la négociation et la mise en place
de politiques d’assistance aux communautés. Elles arborent
l’augmentation des budgets destinés aux politiques
indigènes, et parallèlement la baisse des actions
de revendications (occupations de terrains, manifestations, incendies
de matériels…). A les écouter, on pourrait croire
que les demandes Mapuche sont solubles dans les millions de pesos
déversés dans les différentes institutions
d’Etat chargées « du bien-être et développement
des populations indigènes ». Quant à la reconnaissance
constitutionnelle des peuples indigènes au Chili, ainsi que
de leurs droits relatifs, les autorités chiliennes restent
plus discrètes puisqu’elle ne semble pas à l’ordre
du jour.
Après
le meurtre du jeune Mapuche Alex Lemún le 9 novembre 2002
par un carabinier chilien lors d’une occupation de terres,
la vague d’arrestations arbitraires d’une trentaine
de membres et dirigeants de communautés qui s’en était
suivie durant le mois de décembre, un climat de répression
s’est abattu sur tout le territoire Mapuche. C’est en
imposant dans les communautés un état d'exception
et en emprisonnant leurs dirigeants les moins coopérants,
que l’Etat chilien a réussi à « régler
le conflit Mapuche ». Différents événements
récents le prouvent encore*, il existe une certaine violence
d’Etat exercée contre ceux qui contestent une classe
dominante et le modèle de développement économique
qu’elle impose quotidiennement au détriment des classes
populaires et populations indigènes du pays. L’Etat
policier érigé sous la dictature est encore d’actualité.
Les violences qu’il inflige, sont exhibées dans la
presse et donc connues de tous mais nullement condamnées
par les classes dirigeantes qui se complaisent à justifier
meurtres, passages à tabac, violences sur des mineurs au
nom de la défense du sacro-saint principe d’«
état de droit ».
Dans
un tel contexte, la lutte contre l’oubli et contre un Etat
qui essaie de l’imposer devient un combat partagé par
deux peuples vivant dans un même pays mais qu’on a souvent
essayé d’opposer. Tandis que l’un, le peuple
Chilien, réclame justice pour ses disparus et assassinés
durant la dictature militaire et refuse l’impunité
dans laquelle on essaie de placer ses tortionnaires, l’autre,
le peuple Mapuche, lutte pour rétablir une histoire, non
pas celle des vainqueurs, mais celle qui a vu son organisation sociale
traditionnelle démantelée et ses familles massacrées
et maltraitées jusqu’à aujourd’hui. Ces
deux combats, ces deux peuples, sont tous deux animés par
un même souffle de vie, l’espoir de vivre un jour ensemble
dans un Chili démocratique et pluriculturel.
*
Une plainte vient d’être déposée pour
violence, insultes racistes et torture pratiquée par
les carabiniers sur un instituteur Mapuche lors d’une
manifestation d’une communauté de Pitrufken le
12 octobre 2003. Le 21 octobre une occupation pacifique d’un
terrain privé revendiqué par une communauté
voisine de Temuko, Rofué, a été violemment
réprimée par les carabiniers, et s’est soldée
par de multiples arrestations et blessés, dont un enfant
et plusieurs femmes. Ces faits confirment le témoignage
d’un ex-carabinier, Julio César Pino Ubilla déposé
et accepté par la Cour d’Immigration de Londres
qui dénonçait l’usage de la torture à
l’encontre des membres des communautés Mapuche,
homosexuels, jeunes de quartiers populaires et manifestants.
Réseau
d’Information et de Soutien au Peuple Mapuche
Octobre 2003.
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