Persistance de la discrimination politique, culturelle, sociale et économique : relégation à un statut de citoyenneté de seconde classe du Peuple Mapuche dans un « Chili pour tous ».
Concernant « la politique indigène » menée par le gouvernement de Mme Bachelet, elle s’est inscrite en stricte continuité avec l’œuvre de « pacification » du sud du pays, engagée par son prédécesseur Ricardo Lagos qui consistait, d’une part, à intégrer les communautés indigènes dans le développement économique régional en favorisant leur adaptation aux lois du marché, c'est-à-dire aux nouveaux besoins en main d’œuvre et en ressources agricoles du modèle exportateur et, d’autre part, à criminaliser les revendications des communautés et organisations mapuche les plus critiques envers l’action du gouvernement.
En effet, la grève de la faim poursuivie pendant 65 jours par quatre prisonniers politiques mapuche, entre les mois de mars et mai 2006, a provoqué de grandes mobilisations aux niveaux national et international et obligé le gouvernement et des parlementaires des partis de la Concertación de s’engager à obtenir la libération des prisonniers politiques mapuche le plus rapidement possible via une réforme législative de la loi antiterroriste et des conditions de liberté conditionnelle. Or, après plusieurs mois de débat, la proposition de loi du sénateur Alejandro Navarro qui constituait la seule lueur d’espoir pour les prisonniers d’obtenir une remise en liberté conditionnelle prochaine, vient d’être rejetée au parlement chilien par les sénateurs de la droite traditionnelle (UDI-RN), appuyés par plusieurs élus de la Concertación.
A cette absence évidente de volonté politique de la part de l’actuel gouvernement chilien pour répondre à ses engagements et réparer les erreurs historiques perpétrées à l’encontre du peuple mapuche s’ajoutent de nombreuses actions répressives lors de récentes manifestations ou au sein de communautés, comme cela a été le cas, fin août, lorsque la police a assassiné arbitrairement un paysan de 71 ans, dans sa maison, qu’elle soupçonnait mêlé à une affaire de vol de bétail. Qui plus est, il faut dénoncer l’ironie avec laquelle le gouvernement et un grand nombre d’hommes politiques de droite comme de gauche utilisent la situation des prisonniers politiques mapuche, ce qui constitue là un fait nouveau et déplorable. Malgré de nombreuses promesses et de bonnes intentions, 9 prisonniers politiques mapuche demeurent dans les geôles chiliennes, dont plusieurs lonkos condamnés avec la loi anti-terroriste à des peines allant de 5 à 10 ans et à de lourdes amendes. La présidente, Michelle Bachelet, promet d’abandonner le recours à la loi antiterroriste dans le cas des légitimes revendications territoriales tout en justifiant l’usage de la loi commune et de la force policière au sein des communautés dont les habitants, de plus en plus pauvres, ne sont plus à considérer comme des terroristes, mais comme des délinquants mettant en péril l’Etat de droit du sud du pays.
Situation économique et sociale du Chili
Après 6 mois de gouvernement Bachelet, la rue exprime de manière claire et concise ce qu’est le fait de vivre dans un pays où le capitalisme règne en maître absolu sur les vies de milliers de Chiliens ; bien que les ventes de cuivre et de métaux qu’exporte le Chili aient connu des chiffres records ceux-ci n’ont guère changé le fossé entre riches et pauvres, ces derniers étant de plus en plus nombreux.
Les étudiants de l’enseignement secondaire ont, durant les mois de mai et juin de cette année, manifesté pour exiger entre autres un transport scolaire gratuit et la fin de la loi dite LOCE, qui depuis la dictature de Pinochet, désengage complètement l’Etat d’une de ses responsabilités historiques : l’Education de qualité pour tous. Cette loi renforce des disparités énormes entre quartiers chics et leurs bonnes écoles et quartiers pauvres avec leurs établissements médiocres.
Cet abîme entre classes sociales est présent à tous les niveaux, dans le secteur immobilier par exemple où des milliers de travailleurs chiliens ont été escroqués « légalement », en ayant contracté des prêts calculés en UF*, pour acquérir des maisons vendues sans être terminées qui offrent un triste spectacle tous les hivers quand il faut les recouvrir de plastiques pour combattre tant bien que mal la pluie et le froid. Les gens sont lassés de l’incapacité des gouvernements de la Concertacion pour résoudre ces conditions inhumaines.
La rue exprime peu à peu son ras-le-bol, dans ses grèves comme les travailleurs de la chaîne de supermarché LIDER, dans ses cris et son unité comme les habitants de la Vallée de Huasco, de Valdivia, les pêcheurs de Mehuin qui s’opposent à ce que leur santé, leur travail et leur écosystème soient détériorés sous prétexte qu’il faut enrichir une toute petite minorité qui a déjà les poches bien remplies tandis que d’autres vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Septembre 2006
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* UF : indice qui est revalorisé tous les jours, selon l’augmentation de l’inflation, et utilisé comme monnaie pour payer différentes dettes depuis l’époque de Pinochet.