La criminalisation de la demande territoriale mapuche

Voilà quelques années déjà que l’on voit fleurir sur les murs des grands centres urbains du Chili et d’Argentine ainsi que de certaines capitales d’autres pays, des graffitis ayant pour consignes la libération des « prisonniers politiques mapuche[1] ». Régulièrement, les rues de Santiago et celles du chef-lieu de la région de l’Araucanie, Temuco, sont envahies par des centaines, voire des milliers, de manifestants armés de cornes et tambours traditionnels réclamant « terre, justice et liberté pour le peuple Mapuche ! ». Circule sur internet, en format mp3, la chanson du groupe de jeunes mapuche vivant à Santiago, Wechekeche ñi Trawun, scandant « Liberté pour les Mapuche en lutte »…

Dans un ouvrage collectif d’intellectuels mapuches, au titre provocateur de ¡…Escucha winka... ! [2] et publié par LOM, l’une des maisons d’édition les plus prestigieuses du Chili, Sergio Caniuqueo, historien, rappelle que « les prisons d’Angol et Traiguen, hier comme aujourd’hui, continuent à être les centres de concentration des prisonniers politiques mapuche ». Où que l’on soit, il est difficile de ne pas entendre parler des Mapuche, peuple autochtone du cône sud de l’Amérique latine, dont certains dirigeants et membres de communautés sont emprisonnés dans les geôles du sud du Chili, depuis plusieurs années, pour avoir réclamé leurs « terres ancestrales ».

Malgré un certain prestige obtenu au niveau international grâce à l’accession au pouvoir d’une « présidente socialiste » et surtout à ses résultats économiques enviés par les pays voisins, le Chili est convulsionné de part et d’autre par la contestation de différents secteurs de la population – étudiants, lycéens, mineurs, fonctionnaires – tandis que les indices d’inégalité sociale ne cessent d’augmenter. Confronté à la résurgence d’un mouvement autonomiste mapuche aux revendications non seulement foncières, mais également civiques, le Chili éprouve des difficultés à régler sa « dette historique » avec ses peuples originaires.

La plupart des pays qui ont connu ce type de situation d’émancipation postcoloniale sont passés par une étape de « judiciarisation » des demandes des peuples autochtones, consistant en quelque sorte en la réappropriation de l’arme du colonisateur par les colonisés : la loi. Ce processus de « judiciarisation » se caractérise en effet par l’utilisation, voire la réinvention, des différents dispositifs, instruments et stratégies juridiques de la part des autochtones pour obtenir leur droit : c’est ainsi que, par exemple, le Canada a dû restituer des terres aux descendants des Premières Nations qui avaient fait valoir devant les tribunaux nationaux et internationaux des traités signés entre la Couronne britannique et leurs ancêtres, il y a plus de deux siècles.

Dans le cas du Chili, on a pu observer ces dernières années une tendance inverse qui a consisté, en guise de réponse aux demandes indigènes croissantes, à leur nier tout droit politique et à « criminaliser » les différentes manifestations de protestation menées par les communautés et organisations mapuche. La force de la loi, placée sous la tutelle du sacro-saint État de droit, du maintien de l’ordre et du bon « fonctionnement des institutions », a ainsi été utilisée depuis le retour à la démocratie (1990) pour faire face à des demandes dont on s’aperçoit aujourd’hui qu’elles auraient mérité d’être prises au sérieux et traitées politiquement, car elles concernent non seulement les différents groupes autochtones, mais également le peuple chilien dans son ensemble.

S’il est certain que l’appellation de « prisonniers politiques mapuche » est récente – l’apparition de cette dénomination datant, semble-t-il, de 1999 – la violence d’État envers les Mapuche, qu’elle soit symbolique ou physique, et leur emprisonnement arbitraire sont des phénomènes plus anciens. Il suffit de consulter la foisonnante littérature scientifique existant sur l’histoire du Chili et des Mapuche pour constater que la « question indigène » a souvent été abordée en termes de « problème » ou de « conflit », et traitée plus « par la force que par la raison »[3]. L’historien Gabriel Salazar, qui a reçu récemment le prix national d’histoire, résume très bien, dans une réflexion sur les « racines de la violence au Chili », cette relation ambiguë qui s’est instaurée dans les mentalités des chiliens :

L’armée « victorieuse » qui a vaincu les Péruviens par deux fois, qui n’a pas combattu les Argentins et qui a eu des difficultés avec les Espagnols, a été extrêmement « victorieuse » dans son effort pour, comme le disent les historiens classiques, « pacifier » l’Araucanie. Qu’est-ce que signifie « pacifier l’Araucanie » ? Expulser 80% de la population indigène vers le sud ou de l’autre côté de la Cordillère, leur prendre 85% de leurs terres et décimer la population dans des proportions qui n’ont jamais été calculées – car c’est le massacre le plus grand de l’histoire du Chili –, et aujourd’hui le problème mapuche est défini, pour le dire rapidement, comme policier ou même comme de sécurité intérieure. (…) Habituellement les relations avec les peuples indigènes dans ce pays ont été médiatisées par les guerres, et les guerres sont les évènements pratiques, catégoriques, brutaux, qui ont existé. (…) Toute la culture indigène, tout le passé indigène, toute l’identité ancestrale de cette terre, tout ce qui surgit de la culture de la terre nous l’avons situé de l’autre côté de la Frontera, la frontière guerrière du Bio-Bio. Nous ne l’avons pas intégré à notre mémoire comme une partie de notre identité. [4]

L’utilisation réitérée et arbitraire de la Loi antiterroriste – créée sous la dictature de Pinochet afin de réprimer la dissidence –, contre des membres et des dirigeants de communautés, en plein « retour à la démocratie », a permis à un grand nombre de Mapuche de prendre conscience du caractère politique de la violence à laquelle ils étaient soumis. S’il est certain que ce contexte répressif, de lutte contre le terrorisme, est lié à des conjonctures nationales, continentales voire internationales, on doit cependant constater que les Mapuche étaient qualifiés et jugés comme des terroristes avant septembre 2001, ce dernier événement n’ayant fait que renforcer l’impunité dont bénéficiait l’État chilien pour (mal)traiter ceux qu’il considérait comme des « terroristes ».

Parmi les raisons de ce durcissement de la politique répressive de l’État chilien envers le mouvement autonomiste mapuche, il faut aussi tenir compte du fait que ce dernier a opéré depuis le début des années 90, et plus radicalement à partir de 1997, un virage considérable non seulement dans ses revendications, mais également dans ses modes d’actions, résolument plus agressifs. L’échec des politiques publiques et notamment le mépris et l’inapplicabilité de la Loi indigène, la relégation des Mapuche dans la couche la plus pauvre de la population chilienne, le scandale de la construction de la centrale hydroélectrique de Ralco en plein territoire mapuche-pehuenche [5] sont autant de motifs de contestation. C’est en agissant « là où ça fait mal » – c’est-à-dire, en s’attaquant aux exploitations des grandes entreprises forestières, aux grands domaines agricoles aux mains de riches propriétaires cumulant pouvoirs politiques et économiques ou encore aux grands projets promus par l’État chilien et des multinationales – et en ayant recours à des modes de mobilisations sensationnalistes que les Mapuche ont ainsi fait résurgence sur la scène publique et politique chilienne, non sans faire les frais de la violence d’État.

Un rapide décompte estime à plus de 350 personnes, principalement d’origine mapuche, le nombre d’arrestations lors des manifestations mapuche ces 5 dernières années, la plupart ayant été condamnées à des peines allant de la simple prison avec sursis, ou encore l’interdiction de participer à toute manifestation durant l’année pour des délits mineurs tels que « vol de terres » ou « désordre sur la voie publique », jusqu’à des emprisonnements fermes de 10 ans pour des accusations de « terrorisme ». Dans ces différents cas, la Loi antiterroriste (18.234) et celle de sécurité intérieure de l’État (12.927) ont été invoquées une dizaine de fois [6].

La criminalisation passe aussi par la multiplication des interventions policières dans les communautés, se soldant par un grand nombre de blessés, d’enfants maltraités aujourd’hui encore traumatisés, et par la mort d’un jeune Mapuche, Alex Lemun, assassiné en toute impunité par la police chilienne en novembre 2002, lors d’une récupération pacifique de terres. Le phénomène de criminalisation ne s’arrête pas à ces opérations policières tout aussi spectaculaires qu’elles soient, mais se caractérise également par des opérations d’espionnage de dirigeants, d’infiltrations des organisations ainsi que de vols mystérieux d’ordinateurs dans leurs locaux. Cette nouvelle étape de la criminalisation a également été marquée par l’entrée en scène de groupes paramilitaires et de gardes forestiers, scénario que l’on pensait réservé à d’autres temps. Ces derniers sont soupçonnés aujourd’hui d’être les auteurs d’auto-attentats, afin de disqualifier et de faire accuser les dirigeants des communautés les moins dociles, tout en touchant l’argent de l’assurance des plantations incendiées.

Enfin, la criminalisation de la demande territoriale mapuche peut être plus subtile en s’en prenant non seulement aux dirigeants mapuche et à leurs familles mais aussi à tous ceux susceptibles de les soutenir : un avocat a vu son téléphone mis sur écoute, tandis qu’une autre a été accusée d’avoir trop favorisé les personnes qu’elle défendait… Quant au programme de Droit indigène de l’Université de la Frontera de Temuco, il a dû abandonner l’un de ses axes de recherche concernant l’étude de la question de la criminalisation territoriale mapuche [7], sur demande de la direction de l’université soucieuse de ne pas contrarier ses principaux bailleurs de fonds, constitués notamment d’entreprises forestières.

Différents rapports d’organismes internationaux de protection des droits humains et des peuples autochtones (Amnesty International, la Fédération internationale des Droits de l’Homme, le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones à l’ONU, Human Rights Watch…) ont fait part de leurs préoccupations face à la situation, obligeant le gouvernement de Ricardo Lagos (2001-2005) puis de Michelle Bachelet à prendre des mesures favorisant les peuples indigènes au Chili.

C’est ainsi qu’un vaste programme de « développement intégral », financé par un prêt contracté auprès de la Banque interaméricaine de développement (BID), a été mis en œuvre au sein de plus de 700 communautés indigènes au Chili, sans pourtant régler les demandes territoriales et politiques, principales sources des conflits actuels. Les dirigeants les plus réticents vis-à-vis de cette politique paternaliste sont souvent ceux qui ont été accusés et emprisonnés, produisant une division symbolique entre le « bon indien » consommateur des politiques de gouvernamentalité néolibérales promues par l’État et les organismes internationaux, et le « mauvais indien », le terroriste, délinquant, mettant en péril non seulement l’État de droit mais également le développement économique de tout le pays. C’est sur la base d’un tel discours fictionnel que le gouvernement chilien a pu depuis une dizaine d’années criminaliser la lutte du peuple mapuche en séparant les bons des mauvais, distribuant les bons points aux plus coopératifs et punissant les plus récalcitrants. Un article publié récemment dans El Mercurio, repris crédulement et traduit en français dans Le petit Journal [8], répète une fois de plus le même refrain et fait planer l’ombre du terrorisme rural sur le sud du pays – menace intérieure provoquée par une minorité, les « mauvais Mapuche », au détriment de la majorité, les « bons Mapuche » –, en parlant d’une « poignée de terroristes encagoulés qui prétend agir au nom de tous ».

Face à une contestation de plus en plus grande de la part des Mapuche, mais aussi des Chiliens et de la communauté internationale, le gouvernement chilien actuel a dû cependant faire quelques concessions, en reconnaissant par exemple l’irrationalité de l’application de Loi antiterroriste envers des dirigeants mapuche, sans pourtant assurer l’annulation des condamnations de ceux qui en ont été victimes et dont les peines de prison ferme ont été alourdies de cinq à dix ans.

On croyait pourtant, à la suite d’une grève de la faim de 65 jours entreprise par quatre prisonniers politiques mapuche durant les mois de mars et avril 2006, que cette situation pourrait s’améliorer. Le gouvernement ainsi que différents parlementaires des partis de la Concertation pour la Démocratie, actuellement au pouvoir, s’étaient engagés à faire voter en urgence des réformes légales favorisant la libération rapide des personnes condamnées à des peines antiterroristes. Au bout de plusieurs mois de débats parlementaires, le cynisme reprit le dessus et lorsque le projet de loi pouvant aboutir à la libération des prisonniers politiques mapuche fut présenté devant le parlement chilien, ce sont les mêmes parlementaires qui s’étaient pourtant engagés quelques mois plus tôt à soutenir l’initiative, qui s’y opposèrent.

Autre preuve de cynisme de la part des gouvernants chiliens, tandis qu’ils appelaient à ne plus appliquer la Loi antiterroriste à l’encontre des militants mapuche, répondant ainsi à la demande des différents organismes de droits humains qui réclamaient des procès justes, les arrestations et les violences policières ont continué dans les communautés, mais cette fois-ci sous le prétexte de la poursuite judiciaire de voleurs de bétail, de récoltes ou de terrains… Dans le cas de la Loi antiterroriste comme de la loi commune, les procédures légales cachent mal l’incapacité du gouvernement chilien à répondre aux attentes du mouvement mapuche, dont il cherche à étouffer les revendications territoriales et politiques en stigmatisant et divisant le monde social indigène.

Alors que la voix des Mapuche a commencé à se faire entendre un peu partout à l’intérieur et à l’extérieur du pays, Michelle Bachelet, ne voulant pas entacher le prestige dont elle bénéficiait au niveau international, s’est empressée d’annoncer ces derniers mois de nouvelles initiatives en faveur du respect des droits des peuples indigènes [9], repositionnant du même coup le Chili dans les traités, accords et législations internationales se référant à cette problématique.

Mais quid des promesses de campagne présidentielle où la candidate Bachelet s’était engagée à ne plus appliquer la Loi antiterroriste contre des dirigeants mapuche, à faire cesser la criminalisation de leurs revendications et à obtenir des réductions de peine pour ceux qui avaient déjà été condamnés ? Depuis sa prise de fonctions, Michelle Bachelet a fait preuve de très peu d’originalité en matière de politique indigène ; elle s’est placée en stricte continuatrice de l’œuvre de son prédécesseur, Ricardo Lagos, quitte à payer les pots cassés comme c’est le cas aujourd’hui.

Fonctionnaires des institutions indigénistes relevés de leurs fonctions [10], scandales de corruptions, maintien de nombreux conflits dans les communautés, faisant parfois l’objet de violences, cuisant revers de l’échec parlementaire de la réforme de la Loi antiterroriste – qui devait permettre la libération prochaine de 8 personnes condamnées pour « terrorisme »–, après la suspension de la grève de la faim : autant de signaux qui révélent les limites des « politiques indigènes » mises en place depuis le retour à la démocratie, et laissent malheureusement présager la pérennisation des conflits avec leur lot de violences et d’injustices.

Cette conjoncture complexe met bien en évidence qu’il faudra plus que des prisons, des promesses et des bonnes intentions pour résoudre un conflit historique et civique soulevant la question importante de la place des peuples autochtones dans les Nations qui les ont colonisées. C’est à cette question que les peuples chilien et mapuche devront aussi essayer de répondre à la lumière d’autres expériences internationales mais surtout en innovant – en réussissant à fonder une citoyenneté de destin à caractère non-excluant, assurant le bien être et le respect de l’identité de chacun dans un pays multiculturel : le Chili.


- Article de Fabien Le Bonniec publié dans Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2898 – http://www.alterinfos.org/spip.php?article686

En cas de reproduction, mentionner l’auteur, la source (Dial) et l’adresse internet de l’article.

Notes

[1] Les Mapuche rejettent l’usage pluriel du mot mapuche, qu’ils considèrent comme un substantif collectif.

[2] Est winka celui qui n’est pas mapuche.

[3] « Par la raison ou par la force » est la devise du Chili figurant sur le blason des Armes de la République.

[4] Salazar, Gabriel, 1999, “Raíces Históricas de la violencia en Chile”, Revista de Psicología, vol. VIII, n°2, p. 21.

[5] les Pehuenche sont les Mapuche vivant dans la cordillère des Andes dans la VIII° et IX° région, au sud du Chili.

[6] Le recours à ces lois spéciales, outre le fait qu’elles alourdissent les peines, restreint les droits des accusés tout en offrant à l’accusation différents privilèges telle que la possibilité d’utiliser des témoins anonymes.

[7] Pourtant, les avocats de ce programme de droit indigène avaient pris la précaution de montrer une certaine distance avec le sujet, en n’assurant par principe aucune défense d’inculpés et en refusant d’employer la terminologie « prisonniers politiques mapuche », préférant la formule plus consensuelle et redondante de « personnes mapuches arrêtées dans le cadre du conflit territorial mapuche ».

[8] http://www.lepetitjournal.com:80/content/view/9899/1221/.

[9] Michelle Bachelet s’est ainsi engagée ces derniers mois à obtenir une reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones, à ratifier la convention 169 de l’Organisation internationales du travail, à modifier la Loi antiterroriste et à voter en faveur du projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones aux Nations unies.

[10] Le directeur de la Corporation nationale de développement indigène (CONADI), l’instance publique indigéniste, a été remplacé à deux reprises cette année, entraînant chaque fois une restructuration de la direction de cette institution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Mapuche et le terrorisme de l’État chilien.
Appel à solidarité avec les Prisonnier-e-s
Politiques Mapuche et leurs communautés.
9 mai 2010

Maintenant, avec le Président Sebastian Piñera, les choses vont changer, nous allons prendre le contrôle sur vous tous, indiens de merde, délinquants, terroristes. On verra bien si ça vous donne encore envie de réclamer des terres. La prison et des balles, c’est tout ce qu’on vous donnera.”
Ditter Villaroel, major de la prison d’Angol.

Au Chili, les Prisonnier-e-s Politiques Mapuche (PPM) sont au nombre de 52, et l’on peut aussi ajouter les 22 Mapuche devant se plier à des « mesures préventives » pour se faire une idée de l’ampleur de la persécution judiciaire dont sont victimes les communautés luttant pour leur territoire et leur autonomie . Le peuple Mapuche, originaire du sud de l’Amérique latine (Argentine et Chili), peut se vanter d’avoir éte le seul peuple qui a tenu tête à l’invasion coloniale jusqu’au début du 19ème siècle. C’est seulement au moment de la formation des états indépendantistes chilien et argentin que les Mapuche furent finalement vaincu-e-s connaissant le sort funeste de tous les autres peuples originaires d’Amérique : génocide, déplacements violents de populations vers des réserves, occupation de leur territoire pour le destiner à des fins d’exploitation capitaliste, esclavage, famines, maladies, tortures, viols, etc.

Lire la suite >>>>

Un jeune mapuche de 22 ans assassiné par la police chilienne.

Lors d'une occupation de terres et au milieu de violents incidents, Matías Catrileo Quezada est mort ce matin d'une balle dans le dos,tirée par les
forces de police, sur le fundo Santa Margarita de la commune de Vilcun.
Mathias Catrileo Quezada qui était étudiant de l'université de la Frontera de Temuco, avec d'autres membres de communauté mapuche, est entré à 6 heures 40 sur le fundo Santa Margarita, propriété de Jorge Luchsinger dans l'intention d'incendier 550 charges de fourrage qui se trouvaient sur les
lieux.

Selon un flash spécial de la télévision TVN, ce 3 janvier à 10 heures, le corps de Mathias a été emporté par les mapuche qui refusent de le restituer aux autorités, déclarant qu'ils n'avaient aucune confiance dans la justice chilienne. Les mapuche exigent que le corps soit remis à l'évêque de Temuco, monseigneur Vial qui s'est engagé dans les négociations pour la libération des prisonniers politiques. Un jeune mapuche qui a participé aux incidents s'est mis en contact avec radio Bio Bio ce matin et il a déclaré " nous marchions et les carabiniers tiraient dans notre direction  avec des mitraillettes et un frère est mort. C'est Mathias Catrileo de 22 ans, il appuyait la lutte de la communauté, ici. Nous voulions faire une récupération pacifique mais les policiers sont arrivés et nous ont tiré dans le dos », selon lui  les mapuche étaientune trentaine et les effectifs de la police du GOP étaient composés d'une cinquantaine de personnes.

Suite à ce drame, les services de renseignement chiliens se sont rendus sur les lieux dans l'attente de l'arrivée du juge qui doit commencer l'enquête. La zone est sous haute protection policière, et la tension déjà grande sur les lieux a monté d'un cran dans les dernières heures.
Cet incident est le plus grave qui s'est produit depuis la mort d'Alex Lemun, en novembre 2003, sur le fundo Santa Elena de la commune de Ercilla. Le secrétaire de l'intérieur Felipe Harboe, a  pour sa part lancé un appel au calme aux mapuche et insisté pour que soit restitué le corps de Mathias ajoutant que « dans un état de droit il est impossible de nier la remise d'un corps », corps qui selon Harboe se trouverait actuellement dans une école de la zone de Vilcun.

Le gouvernement, pour sa part, après avoir déclaré il y a quelques jours par l'intermédiaire de Francisco Vidal  porte parole du gouvernement que «les auteurs d'incidents doivent s'attendre à en payer les conséquences, et une fois capturés et inculpés, comme il convient dans un état de droit et
qu'ils ne viennent pas avec leurs grèves de la faim » ont déclaré aujourd´hui, que conformément à la loi le corps doit  être restitué à la
justice chilienne. Ces très graves incidents interviennent, alors que Patricia Troncoso, prisonnière politique mapuche en est à 90 jours de
grève de la faim et présente une aggravation de son état de santé jugé extrêmement préoccupante selon les médecins qui la surveillent.



--
Collectif pour l'Autonomie du Peuple Mapuche
Colectivo por la Autonomía del Pueblo Mapuche
Collective for the Autonomy of the Mapuche People

              kapma.over-blog.com


LIBERTAD A L@S PRISIONER@S POLÍTIC@S MAPUCHE
              TERRITORIO Y AUTONOMIA


3 janvier 2008. 18 heures
Le corps de Mathias a été retrouvé et un militaire est chargé de mener l’enquête.

Sourcejournal el gong: http://www.gongaraucania.cl/
Indymedia y radio cooperativa
image: http://www.mapuche.nl/espanol/matias_catrileo030108.html

Selon les dernières informations le corps de Mathias Catrileo aurait été retrouvé cette après midi, l’avocat régional confirme avoir vu les restes du jeune mapuche dont le corps sera emmené au service médicolégal. Le corps présenterait un impact de balle dans l’abdomen.

Selon le journal el gong, les premiers rapports signalent que le juge Claudio Beratto sera chargé de l’enquête concernant l’incendie des 500 paquets de pâturage de l’entrepreneur Jorge Luchinsger, et un officiel militaire sera chargé de déterminer les circonstances de la mort du jeune étudiant mapuche de l’université de la Frontera, ce qui implique que selon cette procédure il ne prendra en compte que la version des carabiniers. « Violence inutile provoquant la mort » pourrait être le chef d’inculpation retenu contre le, ou les auteurs de la mort de l’étudiant mapuche. Selon le journal « el gong » qui s’est rendu sur les lieux les mapuches sont très méfiants concernant l’intervention du juge militaire José Pinto Aparicio parce que celui-ci a été désigné avant que Claudio Beratto se déclare incompétent.

Ce thème sera un des points difficiles des négociations des mapuches avec l’évêque Sixto Parzinger, qui s’est porté garant des procédures. Sur les lieux sont arrivés les avocats de l’observatoire des droits indigènes et l’avocat régional José Martinez. Selon la communauté Yupeco de la commune de Vilcun, les mapuches sont mécontents des premières diligences ordonnées par le juge militaire, qui a agit avant que le ministère public l’ait chargé du dossier concernant la mort de mathias. Un groupe d’étudiants a manifesté face à la préfecture et s’est réunit avec le préfet.

Une trentaine d’étudiants du foyers étudiant « Las Encinas » a manifesté a la prefête Yolanda Perez sa préoccupation pour la mort de leur camarade considérant qu’il s’agit d’un crime et d’une démonstration de répression de la part de l’état chilien.

Tension dans la zone de Malleco

Dans un climat extrême de tension les autorités prennent les mesures nécessaires pour éviter d’éventuelles représailles pour la mort de l’étudiant mapuche. Le préfet s’est réunit avec les carabiniers pour renforcer la sécurité et éviter qu’un nouveau drame se produise.

Demain soir un meeting est prévu à Santiago à l’appel de nombreuses organisations mapuches, tandis que les déclarations de condamnation se multiplient.
 

4 janvier 2008 14 heures
Vague de protestations et arrestation du responsable de la mort de Mathias Catrileo
Source : journaux el gong, la nacion, Indymedia et télévisions tvn, mégavision, chilevision

La mort du jeune étudiant mapuche a provoqué un important mouvement de protestations au chili, routes coupées, barricades, une trentaine d’incendies de forêts et des manifestations à Santiago, Temuco, et Conception sont les réponses apportées par les mouvements sociaux et les organisations mapuches à la mort de Mathias Catrileo. A Santiago, des mapuches et des chiliens se sont rendus à la Moneda, le palais présidentiel, pour exprimer leur indignation face à la répression qui frappe le peuple mapuche, la manifestation a été violement réprimée et une quinzaine de personnes arrêtées. Dans le sud du pays, les manifestations se sont succédées et ont été emmaillées d’incidents avec les forces de l’ordre, les communiqués exigeant des solutions au conflit et la libération des prisonniers politiques mapuches ont été publiés dans de nombreux medias alternatifs et officiels. Ce soir, une massive manifestation est prévue dans le centre de Santiago à l’appel de nombreuses organisations mapuches urbaines.

D’autre part, le responsable de la mort du jeune étudiant mapuche a été identifié et arrêté, il s’agit de Walter Ramírez Espinoza, qui est en fonction depuis dix ans et est détenu depuis ce matin dans le commissariat des forces spéciales de Temuco. Les autres carabiniers impliqués dans l’incident ont, selon le juge militaire, été désarmés.

L’autopsie de Mathias Catrileo a révélé deux impacts de balles, un dans le poumon et l’autre à la hauteur de l’estomac. La jeune victime est veillée, depuis hier soir, par de nombreuses personnes, particulièrement des jeunes, dans le foyer d’étudiants de Las Encinas, dans le salon Alex Lemun (autre victime, en 2005, de la répression du gouvernement chilien) et sa famille, qui vit à Santiago, est arrivée cette nuit à Temuco, et doit décider dans la journée, du lieu de l’enterrement de Mathias.

Le responsable de Coordinadora Arauco-Malleco a dénoncé la présence de nombreux policiers qui fichent toutes les personnes qui entrent et sortent du lieu de la veillée funèbre. El lonko de la communauté Juan Quintramil de Huichahue, Victor Marilao, s’est plaint d’être suivi de façon permanente par les services d’intelligence.

La famille a déclaré son intention de porter plainte pour crime qualifié et le secrétaire général du parti communiste demande la démission du préfet général Oscar Eltit, selon lui, coupable d’un crime politique.

Le préfet de police de Cautin, le colonel Cristián Yébenes, a, quant á lui, reconnu qu’il s’est produit au moins six tirs de mitraillette durant les affrontements avec les mapuches. La mitraillette sera inspectée dans le cadre de l’enquête pour déterminer en quelles circonstances, où, et pourquoi elle a été utilisée.

A partir de 21 heures des dizaines de membres de communautés mapuches ont levé des barricades et coupé les routes entre Cañete et Tirua, et sur la commune de Vilcun. Sur le pont Lleu Lleu les incidents ont provoqué la venue du GOPE à la fin de la nuit.

Dans ce climat tendu et confus le ministre de l’intérieur Belisario Velasco a donné sa démission du gouvernement, sans pour autant le justifier, et ce matin, la présidente Bachelet a congédié tous les préfets de toutes les régions, selon elle, pour entrer dans sa seconde phase de gouvernement. La droite pour sa part laisse entendre que le gouvernement est entré dans une crise profonde.

http://www.mapuches.org/info/matias_catrileo040108.html


Samedi 5 janvier 2008

Entre la douleur et la colère


Tout au long de la journée du 4 janvier 2008 les manifestations se sont multipliées dans la capitale et le sud du Chili, dans un climat de tension extrême. L’information a fait la une des journaux télévisés. Des manifestations regroupant de milliers de personnes se sont déroulées à Vilcun, Santiago, Conception, Temuco, Chillan entre autres. Dans la capitale, une manifestation s’est rendue, à la mi-journée, face au palais de la Moneda et a été violemment réprimée.


Aux cris « d’assassins », « Matias présent », les manifestants, au milieu des affrontements avec les forces de police, ont répandu un colorant rouge dans les bassins du palais présidentiel pour simuler une immense tâche de sang. Des centaines d’effectifs de police montée et à moto ont quadrillé les alentours de la Moneda, et de nombreux manifestants ont été détenus. A Conception, tout au long de la journée, des centaines de personnes ont rendu un dernier hommage à Matias Catrileo. La famille d’Alex Lemun, présente sur les lieux, a accompagné la famille de Matias.


Le père d’Alex visiblement submergé par l’émotion, n’a pu répondre aux journaliste et en pleurant a déclaré « revivre tout ça, je sais ce qu’est perdre un enfant, c’est terrible, je ne comprends pas », pour sa part, la mère de Mathias a fait une déclaration publique affirmant que sa famille était convaincue de la culpabilité des forces de polices et a terminer son intervention en disant « ils ont tiré sur des jeunes qui n’étaient armés que de leur idéal ».

Dimanche 6 janvier 2008

Adieu à Matías Catrileo



Plusieurs miliers de personnes ont rendu un dernier hommage à Matias Catrileo, hier après-midi à Temuco où le jeune mapuche a été enterré.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre consacré à la situation des défenseurs des droits de l'Homme en territoire Mapuche chilien, du rapport annuel de la FIDH 2007

 

Ce dossier a pour objectif de faire connaître la situation actuelle des Indiens Mapuche au Chili et, plus précisément, la répression dont sont victimes les communautés et les organisations revendiquant des droits politiques et territoriaux.


 

Reportage radiophonique de Alain Devalpo- 11/12/2005
Chili - La criminalisation du mouvement mapuche


Pascual Pichun, Aniceto Norin et Rafael Pichun, prisonniers politiques mapuches à la prison de Traiguen

Reportage de 20'. Magazine Grand Reportage de RFI Législation spéciale, loi anti-terroriste datant de Pinochet, procès où les témoins sont à visages couverts, condamnation à 10 ans de prison pour « incendie terroriste », harcèlement judiciaire des familles et des avocats. Ce n'est pas le Chili de la dictature mais bel et bien celui de 2005, à la veille d'élections générales (le 11/12). Hier, victimes des représailles de la junte dirigée par Augusto Pinochet, le Président Ricardo Lagos et les membres de la Concertation qui le soutiennent dénoncaient la violation des droits de l'Homme. Aujourd'hui, ils utilisent un arsenal militaro-judiciaire similaire à l'encontre des communautés mapuches qui revendiquent des droits politiques et territoriaux.

 

« Je doute que le mouvement social mapuche cesse d’être criminalisé »,
Entretien avec l’avocat Jaime Madariaga de la Barra
(par Hernán Scandizzo)
Au milieu des années 90, des communautés mapuche originaires du sud du Chili ont entamé un processus de revendication territoriale passant par l’occupation de fundos – principalement aux mains d’entreprises forestières – en vue de leur exploitation agricole. Le gouvernement a sévèrement réprimé cette action en appliquant la Loi antiterroriste de 1984 . Entre 2001 et 2005, Jaime Madariaga de la Barra, avocat pénaliste, a participé à la défense de membres et ex-membres de l’organisation mapuche Coordinadora Arauco Malleco, jugés pour association illicite terroriste, menace terroriste et incendie terroriste. Il a dénoncé la violation de leur droit à un procès équitable devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme. Hernán Scandizzo, correspondant de Noticias Aliadas, s’est entretenu avec Madariaga de la Barra dans la ville de Temuco, située au sud du Chili, sur le mouvement social mapuche, la loi et son application. L’entretien a été publié par Noticias Aliadas, le 28 septembre 2006. Il constitue le deuxième pan du diptyque consacrée à la situation des Mapuche.
                                      -----> Lire l'entretien <------

 

Heurs et malheurs des prisonniers politiques
LETTRE DE NITASSINAN N°36, MARS-AVRIL 2007.

Si la libération de trois dirigeants mapuche, au Chili, depuis le mois de janvier, laissait espérer un changement d'attitude du gouvernement face aux revendications de leurs communautés, l'arrestation largement médiatisée de deux autres de leurs leaders prouve que rien n'a changé. Le Chili continue à mener une politique de criminalisation, de répression et d'intimidation

Le 15 mars 2007, le dirigeant mapuche Victor Ancalaf a retrouvé la liberté après avoir passé quatre années et demie à la prison El Manzano de Concepción. Il avait  été condamné en 2004 à cinq années de prison pour "l'incendie terroriste" d'un camion de l'entreprise ENDESA en mars 2002 – fait qu’il récusait – dans le contexte du conflit opposant les communautés pehuenche et cette entreprise à propos de la construction d'un barrage hydroélectrique sur leur territoire traditionnel. Cette libération intervient après celles des lonko (chefs traditionnels) Aniceto Norin, en janvier 2007, et Pascual Pichún, au début du mois de mars. Accusés de "menace terroriste", tous deux avaient été condamnés à cinq années de prison. Ils ont finalement "bénéficié" d'une remise de peine de quelques mois pour leur bonne conduite.
Ces trois dirigeants mapuche et leur famille ont ainsi payé un lourd tribut pour avoir exprimé publiquement les revendications politiques et territoriales de leurs communautés. Ils attendent maintenant le dénouement des plaintes, pour vices de forme et application inappropriée de la loi antiterroriste, que leurs avocats ont déposées auprès de la Commission des Droits de l’Homme, dépendant de l’Organisation des États d’Amériques (OEA), dont le secrétaire général n’est ni plus ni moins l’ancien ministre de l’Intérieur chilien, et donc leur persécuteur, José Miguel Insulsa. 
Tous trois ont exprimé, à leur sortie de prison, leur gratitude envers tous ceux qui les ont soutenus, mapuche et non-mapuche, et ont réaffirmé leur détermination à continuer la lutte. Leurs témoignages montrent que la prison n’a pas été pour eux qu'un lieu de souffrance et de punition, mais qu'ils ont réussi à le transformer en espace de résistance. Ils prouvent également qu'en dépit des changements de gouvernement et des déclarations de bonnes intentions des autorités politiques du pays, la situation de leurs communautés, comme du peuple mapuche, n’a pas évolué depuis leur emprisonnement.

Arrestations médiatiques
Les récentes arrestations très médiatisées de deux autres dirigeants, Hector Llaitul et José Huenchunao, ce dernier étant déjà condamné à dix années de prison, témoignent que l’État chilien continue à mener une persécution policière en territoire mapuche. L’été dans le sud du pays a ainsi été ponctué de nombreuses interventions policières musclées dans les communautés de la province de Malleco (Temucuicui, Temulemu…), des rives du lac Lleu Lleu ou encore dans la péninsule de Lican Ray où la récupération de plusieurs parcelles de terres ancestrales, qui gêne le commerce touristique de cette zone, a été réprimée manu militari. L’usage démesuré de la force durant ces différentes interventions policières a été dénoncé non seulement par les organisations mapuche, mais également par différents organismes nationaux (Observatoire des Droits des Peuples Indigènes) et internationaux (FIDH, Amnesty International), sans que les autorités politiques ne puissent donner d’explications.
L’impunité avec laquelle le gouvernement chilien mène cette politique répressive, pourtant de plus en plus contestée, s’explique en partie par le soutien qu'il reçoit de l’opposition conservatrice, qui appelle régulièrement à avoir la main dure avec ceux qui ne respectent pas le sacro-saint "État de droit" dans le sud du pays, ainsi que de la presse régionale et nationale qui n’a pas hésité à annoncer l’arrestation de Huenchunao en titrant à la une « Le leader de la violence mapuche a été arrêté ». « Tout cela n’est qu’un cirque » n’a cessé de répéter ce dernier, jeté en pâture aux caméras de télévision, alors qu’il venait d’être arrêté et qu’on le transférait en hélicoptère, escorté par un peloton de "forces spéciales". Une telle scène n’est pas sans rappeler une époque que l’on croyait révolue au Chili, où la junte militaire utilisait la presse à sa guise, exhibant des captures spectaculaires de supposés "terroristes" afin de maintenir un état d’exception dans le pays, de redorer le blason de la police et de faire passer au second plan d’autres questions d’actualité. Le journaliste chilien Ernesto Carmona note ainsi que la détention de Huenchunao intervient en pleine polémique sur le nouveau système chaotique des transports urbains de Santiago – le Transantiago – et alors que plusieurs scandales de corruption concernant des personnalités politiques proches du gouvernement défraient la chronique. D’autre part, comme l’a signalé Felipe Harboe, le suppléant du ministre de l’Intérieur, la persécution policière n’est pas terminée, plus qu’un exemple, elle représente une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus des communautés. Les dernières arrestations cherchent à montrer à l’opinion publique l’efficacité des actions de la police qui avaient été dénoncées et fortement critiquées.  

La peur et les promesses non-tenues pour faire taire les revendications

Aussi, s’il est certain qu’on ne peut que se réjouir de la remise en liberté de trois dirigeants emblématiques, il est important de ne pas oublier la dizaine de prisonniers politiques mapuche maintenus dans les geôles de Temuco, Angol, Victoria et Lautaro ; cinq d’ entre eux sont déjà condamnés à des peines de dix années de réclusion pour "incendie terroriste". Cette "criminalisation", le maintien en prison préventive des inculpés, les interventions policières à répétition dans les communautés, la présence de groupes armés dans leurs environs, ont été autant de moyens pour le gouvernement chilien de faire taire les revendications des organisations et communautés s’opposant aux demi-mesures ou "mesures transitoires" qu’il proposait. Il serait incorrect de prétendre que cette politique répressive n’a pas donné ses fruits : la baisse des mobilisations, que le gouvernement chilien explique par la réussite de sa politique d’assistance, est la conséquence directe du climat de peur instauré par une vague répressive et d’intimidation, déclenchée à la fin des années 90. Parler de ces communautés en lutte et des prisonniers politiques mapuche, c’est non seulement parler des conflits territoriaux persistants qui les opposent à des grandes entreprises forestières et aux latifundistes (grands propriétaires terriens), mais c’est aussi rappeler les nombreuses promesses non tenues par les différents gouvernements des partis de la "concertación"qui se sont succédés. De ces nombreux engagements pris par l’État chilien ces dernières années, face à la pression internationale, aucun n’a été respecté : que ce soit l’arrêt de la criminalisation des demandes territoriales mapuche, la reconnaissance constitutionnelle et la ratification de la convention n° 169 de l’OIT, ou encore l’établissement d’une nouvelle relation, plus harmonieuse et respectueuse des droits civiques et politiques des peuples indigènes au Chili, toutes ces promesses n’ont été que des paroles vaines, passant en second plan de "l’agenda politique", et que les prisonniers politiques mapuche s’efforcent de rappeler quotidiennement du fond de leurs cellules.

Nicolas Chevalier

 

Les droits des Indiens Mapuches toujours niés

José Aylwin Oyarzún, avocat.
Directeur de l’observatoire des droits indigènes.
Photo de W. Painemal.

Publié dans The Clinic et traduit par Courrier International Janvier 2008

Pour le directeur de l’Observatoire chilien des droits indigènes, la situation des peuples indiens est plus préoccupante que jamais. L’Etat ne fait rien pour que leurs droits les plus élémentaires soient reconnus et respectés.

Une année s’achève et aucun progrès n’a été enregistré dans les relations entre l’Etat [chilien] et les peuples indigènes. Le Sénat n’a toujours pas ratifié la Convention 169 de ­l’Organisation internationale du travail (OIT), restée dans les cartons depuis 1991. Cette convention, qui reconnaît aux peuples indigènes des droits collectifs, tels la participation et l’autonomie, le droit à la terre, au territoire, et l’intéressement aux ressources naturelles, a déjà été ratifiée par 17 pays, dont 13 d’Amérique latine, et contribue à ouvrir des voies institutionnelles à la solution de conflits historiques.

Au-delà du plan juridique, l’Etat chilien a continué par sa politique à léser de différentes façons les droits collectifs et individuels des peuples indigènes. Le gouvernement a notamment maintenu son soutien aux projets d’investissement qui ont été lancés ou qui sont prévus par des entreprises privées, souvent transnationales, sur des territoires indigènes et auxquels s’opposent les communautés. De même, la violence policière et la persécution judiciaire à l’encontre de communautés qui résistent à ces projets ou revendiquent leurs terres spoliées constituent toujours une politique d’Etat. Le cas de la communauté mapuche de Temucuicui, à Ercilla, qui revendique des terres ancestrales qui lui appartenaient, offre un exemple flagrant de cette politique. Tout comme en 2006, la communauté a fait en 2007 l’objet de plusieurs razzias, manœuvres qui visaient à la maintenir dans la terreur. Plus de 17 ordres d’arrestation ont été prononcés à l’encontre de ses dirigeants pour divers délits, ce qui l’a paralysée. Faute de motifs valables, la justice a fini par innocenter le mois dernier deux de ces dirigeants mis en cause arbitrairement dans diverses affaires, mais cela n’a pas empêché ces derniers de purger de longues périodes de détention préventive.

La détention prolongée d’une dizaine de dirigeants mapuches, arrêtés sous couvert de la législation antiterroriste pour des faits liés à des conflits terriens survenus dans les deux dernières années, constitue une infraction particulièrement grave. Deux d’entre eux, qui se définissent, avec quelque raison, comme des prisonniers politiques mapuches, poursuivent depuis déjà [le 10 octobre 2007] une grève de la faim, pour réclamer leur libération et la démilitarisation des zones communautaires en conflit. Le silence du gouvernement – auquel s’ajoute celui de la presse et des secteurs du pouvoir – face à cette réalité dramatique est immoral.

L’Etat chilien reste sourd aussi bien aux revendications des Mapuches qu’aux rappels à l’ordre d’instances officielles comme la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Celle-ci l’a exhorté, en mars dernier, à prendre diverses mesures : mettre fin aux violences policières, engager des consultations préalables aux projets ­d’investissement envisagés sur les territoires indigènes et modifier la loi antiterroriste afin d’assurer aux peuples indigènes le respect de leurs droits fondamentaux.

Dans ce contexte, il ne reste pas grand-chose à espérer pour 2008. S’il n’y a pas de la part de l’Etat une reconnaissance des peuples indigènes et un respect minimum de leurs droits, si aucune voie constitutionnelle ne s’ouvre pour empêcher et résoudre les conflits historiques et actuels qui impliquent ces communautés indigènes, le scénario le plus probable est celui d’une aggravation de ces conflits. C’est une réalité regrettable que ni le gouvernement ni l’opposition ne peuvent ignorer.

Publié dans The Clinic

Le procès Poluco Pidenco - Angol - Neuvième région du Chili

>>>> Chronique d'un simulacre de procès <<<<

>>>> Chronique d'une condamnation annoncée <<<<

>>>> La sentence <<<<

>>>> Epilogue <<<<

Extrait du rapport 2004 d'Amnesty International sur les violations des Droits de l'Homme au Chili

 

 

Portraits de femmes Mapuches, prisonnières politiques
Extraits d’un article de Cherie Zalaquette - revue El Sabado - 26 décembre 2003
Traduction : La Licorne.

Etat de droit et droits indigènes dans le contexte d’une post-dictature :
Portrait de la criminalisation du mouvement mapuche dans un Chili démocratique
.


Alors qu’on les croyait assimilés, dissolus dans des Etats Nationaux qui s’étaient préoccupés de leur « pacification », les « farouches indiens » mapuches du Chili et d’Argentine font résurgence sur les scènes nationales et internationales pour revendiquer leurs « droits historiques »… Le renouveau culturel, mais surtout politique, du mouvement mapuche en pleine période post-dictature s’est manifesté à travers les relations antagoniques opposant Etat chilien, entreprises forestières et autres grands intérêts économiques aux communautés et organisations mapuches. L’émergence de discours et d’actions revendiquant le Mapuche en tant qu’acteur social et politique n’a fait qu’intensifier l’opposition avec l’Etat et ses différents acteurs. La violence d'Etat dérivant de cette confrontation n'est pas nouvelle, elle s'inscrit dans une relation séculaire de domination-subordination entre sociétés chilienne et indigène, et se fonde sur des idéologies nationales désuètes que les Mapuches essaient aujourd’hui de remettre en question afin de se libérer physiquement et symboliquement.

Article publié dans la revue Amnis.

Petit livre noir (non exhaustif) des violations des Droits de l’Homme réalisées par les multinationales forestières et l’état chilien contre le peuple Mapuche.
Juillet 1998 - Avril 2003.

Par l'organisation Konapewman
Traduit par la Licorne.